À l'institut universitaire du cancer de Toulouse

Des dispositifs sur mesure pour l'après

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Publié le 07/11/2016
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Près 90 % de survie à 5 ans. C’est la bonne statistique régulièrement mise en avant par les médecins concernant le cancer du sein.

Ce chiffre s’accompagne pourtant d’une tout autre réalité qui n’avait jusqu’ici pas été anticipée par le corps médical. C’est le nombre, toujours plus important, de patients guéris ou en voie de guérison après un cancer. « Aujourd’hui en France, 2,5 à 3 millions de personnes vivent avec des antécédents du cancer et leur qualité de vie n’est pas bonne. Ils inondent déjà les filières de soins et seront encore plus nombreux demain, il faut les aider », insiste le Pr Guy Laurent onco-hématologue à l’IUCT. Après plusieurs années à focaliser sur la guérison de leurs patients, les médecins s’occupent aujourd’hui de l’après cancer. C’est pour cette raison que le Dr Dorra Kanoun, gynécologue et oncologue à l’institut universitaire du Cancer Toulouse (IUCT) propose depuis janvier dernier une consultation spécifique.

« Après plusieurs mois de traitements intenses, chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie… nos patientes disent qu’elles se sentent "vides" lorsque tout s’arrête et que ce moment est très difficile à gérer. Je les revois donc 1 mois et demi après l’arrêt de la chimiothérapie ou la fin des séances de radiothérapies », décrit-elle. Une consultation rare, même dans les centres hospitaliers dédiés à la prise en charge des cancers, et unique en région Occitanie. Un bilan leur est proposé suite au traitement reçu, afin d’améliorer les toxicités résiduelles, de proposer une neurothérapie, de faire le point sur la fatigue, l’anxiété, ou des effets secondaires tels que des bouffées de chaleur… La consultation de Dora Kanoun ne désemplit pas. « Ce temps d’échanges et de bilan dure une trentaine de minutes, je suis là pour évaluer et orienter les patientes vers d’autres professionnels. À ce jour, j’ai déjà vu plus de 200 patientes et nous devrions en prendre en charge 400 par an », estime le médecin qui prévoit bientôt une évaluation du dispositif. Le Pr Guy Laurent, onco-hématologue teste lui aussi depuis 2012 un dispositif de prise en charge original au sein du département d’hématologie et de médecine interne. Baptisé AMA – AC : assistance des malades en ambulatoire après Cancer, ce dispositif fonctionne sur une prise en charge partagée entre l’oncologue, une infirmière de coordination et le généraliste du patient. Objectif ? Proposer un suivi personnalisé aux patients dans l’année qui suit leur traitement, car cette période en effet pose problème à un patient sur deux. Près de 40 % des patients déclarent une infection, 15 % font un AVC, 5 à 6 % déclarent un deuxième cancer quant aux troubles psychologiques – dus le plus souvent à la peur de la rechute - ils sont fréquents. « Dans le cadre d’AMA AC, nous nous appuyons à ce jour sur un réseau de 280 généralistes. Ceux sont eux qui évaluent tout d’abord l’état de santé physique du patient : fatigue, douleurs, etc… à travers une grille que nous avons élaborée et que nous leur demandons de valider. Ce mode d’action a d’ailleurs le mérite de remettre les généralistes au cœur du dispositif », pointe le spécialiste. L’infirmière de coordination évalue ensuite les difficultés psycho-sociales du patient. Un bilan complet est alors fourni à l’oncologue qui peut décider de réintervenir ou d’orienter le patient vers un autre spécialiste. Environ « 300 patients ont bénéficié d’AMA-AC depuis 2012 et cela a donné lieu à 6 % de ré interventions de l’oncologue. Dans la charte AMA nous nous engageons à recevoir le malade dans la semaine qui suit sa demande », précise le Pr Laurent. Séduite par le dispositif toulousain, le Pr Catherine Thieblemont, onco-hématologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris, réfléchit à adopter AMA-AC.

De notre correspondante Béatrice Girard

Source : Le Quotidien du médecin: 9532