Un inhibiteur de PARP commercialisé

Des résultats tangibles dans les BRCA mutés

Publié le 12/02/2015
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Crédit photo : PHANIE

Le cancer de l’ovaire regroupe des maladies différentes, dont la plus fréquente est le cancer séreux de haut grade (environ 60 %).

Il s’agit du plus agressif des cancers de l’ovaire et il est, en l’absence de dépistage efficace à ce jour, souvent découvert à un stade tardif avec une extension péritonéale. Sa prise en charge se fonde sur l’exérèse chirurgicale et une chimiothérapie à base de platine.

Profiter du chaos

Les progrès biologiques réalisés depuis quelques années ont permis de mieux comprendre les anomalies à l’origine de ce cancer séreux de haut grade, notamment la présence de mutations de p53 et de BRCA 1 et 2. « Au sein des systèmes de réparation du génome, il y a une double équipe essentielle "recombinaison homologue", qui dépend de BRCA, et "base excision repair", qui elle dépend de la poly-ADP-ribose polymérase (PARP), rapporte le Pr Éric Pujade-Lauraine (Hôtel-Dieu, Paris). En cas de déficience du système PARP, c’est le système BRCA qui prend le relais pour réparer les cassures de l’ADN. Or, dans le cancer ovarien séreux de haut grade, le système de réparation BRCA dépendant est fréquemment déficient, soit par mutation héréditaire du gène BRCA 1 ou 2, soit par mutation somatique de ce même gène seulement au niveau de la tumeur, soit par inactivation d’un des autres membres de la recombinaison homologue, ce qui se traduit par un déficit de cette voie de réparation dans environ la moitié des cancers séreux de haut grade ».

Ce nouveau concept a conduit à développer des médicaments intelligents, les inhibiteurs de PARP, dont l’objectif n’est pas de réparer mais au contraire d’aggraver les anomalies existantes. En supprimant l’équipe de réparation PARP, qui normalement permet à la cellule de survivre, les inhibiteurs de PARP augmentent le chaos au niveau du génome cellulaire, ce qui entraîne l’apoptose des cellules cancéreuses.

L’olaparib, qui est le premier représentant des inhibiteurs de PARP, a été évalué grâce à un essai pivot de phase 2 randomisé (étude 19) réalisé chez des femmes présentant un cancer séreux de haut grade en rechute, mais sensible au platine (1). « Ces patientes sont habituellement traitées par des chimiothérapies itératives, avec une tendance naturelle au raccourcissement des intervalles libres », rappelle le Pr Pujade-Lauraine. Ce travail a permis de mettre en évidence un net bénéfice en termes de survie sans progression chez les femmes ayant reçu de l’olaparib en traitement de maintenance après la fin de la chimiothérapie versus placebo (OR = 0,35), mais sans impact sur la survie globale. Les auteurs de cette étude ont ensuite distingué un sous-groupe de femmes encore plus sensibles à l’olaparib, qui sont celles porteuses d’une mutation de BRCA germinale ou somatique. Dans ce sous-groupe, l’olaparib entraîne une prolongation encore plus nette de la survie sans progression (OR = 0,18), dont la médiane est passée de 4,3 mois sous placebo à 11,2 mois sous olaparib. Le médicament a peu de toxicité, les effets secondaires à type de nausées, vomissements ou anémie étant facilement gérables. « Ce résultat est d’autant plus spectaculaire que, avec deux ans de recul, 28 % des femmes sous olaparib n’ont pas rechuté, versus 8 % de celles sous placebo, indique le Pr Pujade-Lauraine. Par ailleurs, il s’agit du premier traitement pour lequel nous disposons d’un biomarqueur, BRCA, qui permet de sélectionner les patientes ».

L’olaparib (Lynparza) vient d’avoir une autorisation de mise sur le marché en Europe et aux États-Unis dans le cancer de l’ovaire séreux de haut grade avec mutation germinale ou somatique. Son évaluation clinique se poursuit, avec notamment trois essais, en maintenance de la chimiothérapie.

SOLO 2, dont le design est comparable à celui de l’étude pivot 19, vise à confirmer les bénéfices du traitement avec une nouvelle galénique, qui permet de réduire la posologie de huit gélules à deux comprimés matin et soir. SOLO 1 teste la capacité de l’olaparib à éviter les rechutes en première ligne, toujours chez des patientes avec mutation BRCA. Et enfin PAOLA va étudier, en première ligne, l’intérêt de l’association olaparib-avastin chez toutes les patientes atteintes de cancer séreux de haut grade

« Parce que la mutation BRCA est non seulement prédictive de l’efficacité du traitement par olaparib, mais est aussi souvent un facteur de prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire, un travail en étroite collaboration avec les oncogénéticiens s’est avéré nécessaire. D’une part pour mettre en place, depuis 2013, des circuits courts d’obtention des résultats des tests BRCA, mais aussi pour prendre en main les patientes et leur famille dans les explorations et leur surveillance spécifique », conclut le Pr Pujade-Lauraine.

D’après un entretien avec le Pr Éric Pujade-Lauraine, Centre des Cancers de la Femme et Recherche Clinique, Hôtel-Dieu, Paris.

(1) Ledermann JA et al. Phase II randomized placebo controlled study of olaparib (AZD2281) in patients with platinum-sensitive relapsed serous ovarian cancer. J Clin Oncol 2011;29 (suppl; abstr 5003)

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan spécialistes