Le Collège de la médecine générale, l'Institut national du cancer (INCa), et l'assurance-maladie publient deux nouveaux guides, l'un à l'usage des médecins, l'autre de leurs patients, pour faciliter l'échange lors du colloque singulier et la décision éclairée d'un dépistage du cancer de la prostate (CaP) par dosage du PSA.
« Nous constatons encore une pratique généralisée du dépistage par PSA alors qu'aucune autorité sanitaire ne recommande un dépistage systématique du cancer de la prostate ; parallèlement, alors que les recommandations insistent sur l'information aux patients, celle-ci reste mauvaise », indique Thierry Breton, président par interim de l'INCa. Selon une enquête BVA/INCa auprès de 607 hommes de plus de 40 ans, ayant réalisé un dosage de PSA, seulement 47 % disent avoir été informés des bénéfices et limites du dépistage, tandis que 56 % des médecins délivrent l'information en amont de la prescription. Et « 7 médecins sur 10, et 6 hommes sur 10 pensent que le dépistage est efficace, alors que ce n'est pas le reflet de la réalité », enchérit Frédéric De Bels, de l'INCa.
Encore 27 % des plus de 40 ans testés en 2014
La publication de ces guides devrait contribuer au changement des pratiques, espèrent les autorités. Le niveau de dépistage du CaP reste élevé, démontre une étude parue dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » du 22 mars, sur la base des chiffres du système national d'information inter-régimes de l'assurance-maladie (Sniiram), portant sur 11 millions d'hommes de 40 ans et plus, entre 2009 et 2014.
En 2014, encore 27 % des hommes concernés (soit 3,134 millions) ont réalisé un test du PSA, contre 30 % (soit 3,154 millions) en 2009, un léger décrochage ayant été observé en 2012 (de 30 % à 28,7 %). « C'est une baisse marginale de 3 %», commente le Pr Luc Barret, médecin conseil à l'assurance-maladie. Si elle est surtout visible chez les 50-69 ans, les hommes au-delà de 75 ans restent trop fréquemment dépistés (68 % et 31 % des plus de 85 ans).
L'incidence du cancer de la prostate est restée stable, tout comme les cancers découverts après dosage du PSA.
Une minorité des hommes ont eu une biopsie après un dosage PSA (1,86 % en 2012, contre 2,18 % en 2009), et le taux de positivité des biopsies augmente légèrement (de 47,2 % à 50,3 %).
Sur les 3,7 millions de dosages PSA réalisés en 2014 chez les hommes n'ayant pas de cancers de la prostate connus, 21 % sont des dosages de PSA libres (non recommandé en première intention), 88 % sont prescrits par des généralistes, et 6 % par des urologues, ajoute le Pr Barret. La même année, 95 % des dosages PSA prescrits par les généralistes sont associés en moyenne à 9 autres dosages, poursuit-il.
Seule lueur d'espoir de l'étude du « BEH », selon les mots du Pr Barret, la progression de la surveillance avec 26,9 % des hommes de 55 ans et plus, avec un CaP diagnostiqué mais non traité au cours des 2 ans suivant le diagnostic en 2012, contre 20,8 % en 2009.
L'utilisation de l'IRM, en nette progression chez les hommes ayant eu au moins un dosage de PSA, doit en revanche être évaluée, et ne doit pas se rajouter à un test dans un objectif de dépistage, lit-on.
Rappel aux plus gros prescripteurs et appel au courage
Les guides proposés par les trois instances rappellent les risques de surdiagnostic et de surtraitement liés au dépistage du cancer de la prostate, les complications et effets secondaires des traitements, mais aussi les questions encore pendantes, comme l'intérêt du dépistage ciblé des populations à risques (non recommandé par la HAS, mais débattu au sein de l'association française d'urologie). « Il faut remettre les choses à plat : le cancer de la prostate est peu évolutif, le dépistage n'est donc pas recommandé chez les plus âgés », insiste Frédéric De Bels, qui précise que le guide sera diffusé notamment auprès des plus gros prescripteurs, et qu'une campagne d'entretiens confraternels, de médecin à médecin, sera lancée mi-avril.
Le Collège de la médecine générale soutient vigoureusement le projet. « Face aux demandes des patients, parfois influencés par leur famille, à celles des assurances, à la pression médiatique, à la peur de poursuites judiciaires, les médecins ont besoin d'informations claires et d'aides au dialogue », explique le Pr Pierre Louis Druais, président du CMG.
Le Pr Druais insiste notamment sur la prise en compte de la qualité de la vie dans le dialogue entre le généraliste et son patient. « Nous ne soignons pas des images, mais des personnes ; il faut toujours s'interroger sur : à qui profite le traitement : au patient, ou à la maladie ? », dit-il.
« Les généralistes, dont le comportement est modelé par les spécialistes, ont intégré comme erreur professionnelle le fait de ne pas doser les PSA, alors que c'est plutôt courageux. Mais le courage n'est pas partagé par tous les médecins » conclut-il.
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