Ses résultats étaient très attendus : l’essai de phase 3 Amplify, visait à évaluer l’intérêt, dans la LLC en première ligne, d’une association de deux thérapies ciblées, un inhibiteur de la bruton tyrosine kinase (BTKi) et un inhibiteur du BCL-2.
Pour rappel, en France, l’association d’un inhibiteur de la BTK et d’un inhibiteur du BCL-2 existe déjà, il s’agit de l’ibrutinib-vénétoclax, qui a une AMM et un remboursement depuis le printemps 2024. L’étude Amplify évalue ici un autre inhibiteur de la BTK, l’acalabrutinib, toujours associé au vénétoclax. Si cette étude était attendue dans l’Hexagone, elle l’était encore davantage aux États-Unis, où aucune association de ces deux classes pharmaceutiques n’est encore disponible.
Essai de phase 3 en demi-teinte dans la LLC
Dans ce cadre, 800 patients ont été recrutés et randomisés pour recevoir soit l’association de vénétoclax et d’acalabrutinib en première intention, soit une immunochimiothérapie standard.
Mais la conclusion apparaît en demi-teinte. « Certes, l’essai montre que l’association vénétoclax/acalabrutinib fait mieux que la chimiothérapie », résume la Dr Anne-Sophie Michallet (centre Léon Bérard, Lyon) : l’objectif principal de l’étude a bien été rempli, ce qui permettra probablement une mise à disposition du traitement Outre-Atlantique.
Cependant, l’efficacité de cette association bithérapie se révèle moindre qu’espéré. « Les résultats de survie sans progression des traitements associés sont un peu décevants », déplore la Dr Michallet. Et pour cause. « Les résultats de survie ont sans doute été grevés par le Covid-19 », remarque-t-elle. En effet, une proportion importante de participants ont été touchés par la maladie, alors que la couverture vaccinale apparaissait faible, de seulement 50 %, dans cette population à risque.
Quoi qu’il en soit, reste à savoir comment ces résultats pourraient influencer les recommandations françaises. Ainsi, la Filo (French innovative leukemia organization) envisage de revoir ses préconisations. « Il faut préciser la place de cette nouvelle association (après obtention d’une AMM et du remboursement) par rapport à l’existante, et à quels patients elle s’adresse », précise la Dr Michallet, qui estime que les discussions au sein de ce groupe coopérateur devraient permettre de faire de nouvelles recommandations dans cette maladie pour 2025.
De nouveaux types d’inhibiteurs de la BTK
Une autre étude a fait parler d’elle au congrès de l’ASH : l’essai Bruin. Ce travail était consacré au pirtobrutinib, inhibiteur d’un nouveau genre, non covalent, de la bruton tyrosine kinase (BTK). Pour rappel, les premiers inhibiteurs de BTK, comme l’ibrutinib, se liaient de façon covalente à la protéine. Cependant, chez les patients traités, apparaissent souvent à terme des mutations sur la protéine BTK, qui empêchent cette liaison covalente de se faire entre le médicament et sa cible, rendant le produit inefficace. « D’où l’idée d’utiliser des inhibiteurs de BTK non covalents, potentiellement capables de rester performants malgré l’apparition de mutation », explique la Dr Michallet, qui rappelle qu’« on tente désormais d’utiliser ces traitements de façon séquentielle, en fonction de l’évolution clonale de la maladie. »
Ces nouvelles classes thérapeutiques apparaissent d’autant plus intéressantes que « les patients déjà exposés apparaissent dans nos consultations et vont devenir de plus en plus nombreux dans le futur », observe l’hématologue. Ainsi, le pirtobrutinib a été testé dans l’étude qui a inclus 238 patients, tous exposé à un inhibiteur de BTK et pour moitié exposés également à un inhibiteur de BCL2. Les patients ont été randomisés pour recevoir soit le pirtobrutinib, soit des traitements standards de rechute.
Les résultats se révèlent positifs. Comme le résume la Dr Michallet, se dégage « un bénéfice majeur en termes de survie sans progression, avec un temps avant un nouveau traitement d’environ deux ans ». Le tout, pour une tolérance que l’hématologue juge « très bonne » - un paramètre important alors que les malades doubles réfractaires apparaissent âgés et fragiles, et que l’enjeu pour cette population concerne surtout une qualité de vie améliorée.
Quoi qu’il en soit, à l’heure actuelle, le pirtobrutinib n’est pas disponible en France, faute d’AMM.
En attendant, la recherche se poursuit, et s’ouvre vers d’autres médicaments capables d’inactiver les BTK. Citons les BTK dégradeurs, présentés lors du congrès, dont l’activité ne repose non pas sur l’inhibition de la protéine mais sur la dégradation de celle-ci. « Cette nouvelle stratégie de traitement est en cours, sous la forme de phase 1 semblent très intéressants pour des patients ayant déjà reçu plusieurs lignes de traitement, dont les BTKi et les BCL2i », détaille la Dr Michallet, selon qui ce congrès témoigne d’une « attention particulière à des patients parfois déjà lourdement prétraités ».
Ces molécules expérimentales apparaissent d’autant plus prometteuses qu’elles pourraient se révéler relativement faciles d’utilisation - destinées à la voie orale, avec un profil d’effets indésirables pour le moment acceptables.
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