Les premières recommandations de dépistage systématique des sujets à haut risque de cancer du poumon par scanner basse dose ont été émises dès 2013 aux Etats Unis. Elles faisaient suite à la publication en 2011 de l’étude américaine NLST promue par le National Cancer Institute. Une actualisation vient d’être publiée après revue systématique des données publiées depuis 2011 (1). Cette nouvelle version vient élargir le champ du dépistage. Il concerne désormais les adultes de 20 à 80 ans avec un antécédent de tabagisme de 20 paquets années, qu’ils soient fumeurs ou aient arrêté depuis moins de 15 ans. Pour rappel, les recommandations de 2013 étaient restreintes aux plus de 55 ans ayant un passif d’au moins 30 paquets années. Les recommandations américaines rejoignent du coup la cible proposée par le consensus d’experts français tout récemment publié (2). A la différence près que de ce côté-ci de l’Atlantique, ce dépistage n’est toujours pas recommandé par les Autorités de santé. Bien que recommandé aux Etats-Unis, il y est peu mis en œuvre : environ 5 % d’adhésion (3).
Une forte mortalité liée au cancer bronchopulmonaire
Outre Atlantique, la lutte contre le tabagisme a démarré bien avant celle menée en Europe. Le nombre de fumeurs a largement reculé il y a déjà plusieurs années. Mais les méfaits du tabac continuent à se faire sentir, conséquence du délai entre exposition et développement du cancer bronchique. Résultat, malgré le net recul du tabagisme, les tumeurs bronchopulmonaires constituent aujourd’hui la seconde cause de cancer aux Etats-Unis. C’est en outre la première cause de décès par cancer puisque, malgré les avancées thérapeutiques, son pronostic reste très péjoratif. La survie à 5 ans ne dépasse toujours pas les 20 %. Alors que la mise en œuvre d’un dépistage, associé à un diagnostic à un stade plus précoce, permettrait de majorer le nombre de formes curables et de réduire la mortalité.
De récentes études favorables
En 2011, le vaste essai américain NLST est le premier à mettre en évidence le bénéfice du dépistage par scanner basse dose, au terme de 3 années consécutives de dépistage, sur la mortalité par cancer bronchopulmonaire (RR = 0,85 ; 0,75-0,96). Ceci comparativement à un dépistage par simple radiographie chez des sujets à haut risque âgés de 55-74 ans.
Huit ans après, en 2019, l’étude néerlando-belge NELSON confirme ce bénéfice chez des sujets toujours à haut risque, âgés de 50-74 ans. L’étude compare un dépistage par scanner basse dose à T0,1 an, 3 ans et 5,5 ans versus suivi usuel. Le gain en survie spécifique est important (RR = 0,75 ; 0,61-0,90) et la stratégie d’exploration des petits nodules dépistés (5-10 mm) réduit drastiquement le nombre de faux positifs qui "plombait" l’étude NLST. Le bénéfice/risque en sort majoré.
La même année, l’étude italienne MILD, comparant un dépistage par scanner basse dose annuel ou bisannuel versus suivi usuel sur 5 ans, clôt définitivement le débat. Le dépistage réduit à nouveau la mortalité spécifique. Elle tend par ailleurs à montrer que dépistage annuel et bisannuel font jeu égal, mais aussi que dépister plus de 5 ans de suite reste bénéfique.
Un dépistage élargi
A l’issue d’une importante analyse de la littérature publiée dans le même numéro du JAMA (4), le groupe d’experts américains coordonné par Daniel E. Jonas (Ohio State University) a édité une version actualisée des recommandations.
A noter, ce sont des recommandations de grade B, le ratio bénéfice/risque du dépistage restant nuancé selon les experts.
Ces recommandations prônent désormais de dépister dès l’âge de 55 ans et jusqu’à 80 ans tous les fumeurs ou ex-fumeurs sevrés depuis moins de 15 ans, ayant un antécédent d’au moins 20 paquets-années. Le dépistage repose sur un scanner basse dose annuel. Il doit toutefois être abandonné si le sujet développe un problème de santé limitant substantiellement son espérance de vie et/ou son éligibilité potentielle à une chirurgie pulmonaire curative.
Une stratégie différente du consensus d’experts français
Hasard du calendrier, ces nouvelles recommandations américaines sont sorties juste après la parution du consensus d’experts français (2). Que prône-t-il ?
Les experts français recommandent le dépistage des 50-74 ans, fumeurs ou sevrés depuis moins de 10 ou 15 ans, ayant fumé plus de 10 cigarettes/jour durant plus de 30 ans ou plus de 15 cigarettes/jour pendant plus de 25 ans (grade A). A noter que certains sujets sont inéligibles au dépistage : en cas d’antécédents ou de signes cliniques évocateurs de cancer, de récent scanner thoracique pour une autre cause ou de comorbidité(s) sévère(s) contre-indiquant les explorations thoraciques invasives.
Le consensus recommande de réaliser deux scanners annuels consécutifs, suivis d’un scanner bisannuel si les deux premiers sont négatifs. De plus, il indique qu’il n’existe pas d’autres facteurs de risque de cancer bronchopulmonaire que le tabac, notamment ni emphysème, ni antécédent de BPCO. En revanche, lors de facteurs de risque supplémentaires ou de scanner avec résultat intermédiaire, le dépistage doit rester annuel (grade A-E). Enfin, il est recommandé de poursuivre le dépistage au moins 5,5 à 10 ans (grade A).
(1) Jonas DE et al. Screening for Lung Cancer. US Preventive Services Task Force Recommendation Statement. JAMA. 2021;325:962-970.
(2) Courauda S et al. Recommandations de l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique,de la Société de pneumologie de langue française et de la Société d’imagerie thoracique sur le dépistage du cancer bronchopulmonaire par tomodensitométrie à faible dose d’irradiation- Revue des Maladies Respiratoires 2021; doi.org/10.1016/j.rmr.2021.02.003
(3) Ito Fukunaga M M et al. The 2021 US Preventive Services Task Force Recommendation on Lung Cancer Screening. The More Things Stay the Same…JAMA 2021, doi:10.1001/jamaoncol.2020.8376
(4) Jonas DE et al. Screening for Lung CancerWith Low-Dose Computed Tomography Updated Evidence Report and Systematic Review for the US Preventive Services Task Force. JAMA. 2021;325:971-987.
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