Depuis plus de 20 ans, la chimioembolisation est le traitement de référence des carcinomes hépatiques non résécables, quand elle peut être mise en œuvre. Malgré ce traitement, la plupart des tumeurs progressent dans l’année. Or, on sait que la chimioembolisation induit un micro-environnement tumoral pro-inflammatoire, associé à une augmentation du signal VEGF. D’un autre côté, l’immunothérapie par inhibiteurs de checkpoints et anti-VEGF a montré une certaine activité dans les hépatocarcinomes hépatiques avancés. D’où l’idée de les tester en addition à la chimioembolisation.
Une bonne idée ? Il semble que oui. L’étude Emerald-1, présentée en avant-première lors de l’Asco GI fin janvier 2024, montre que l’ajout, à la chimioembolisation, d’un anti-PDL1 (le durvalumab) suivi d’un traitement jusqu’à progression cette molécule, associée à un anti-VEGF (le bevacizumab) permet un prolongement de la survie sans progression (1).
Ce schéma pourrait donc à l’avenir constituer un nouveau standard de traitement, sous réserve que le suivi confirme qu’on observe aussi un bénéfice en termes survie totale.
Une étude à trois bras, menée en double aveugle sur plus de 600 patients
L’étude randomisée en double aveugle porte sur plus de 600 patients, recrutés dans 158 centres dans 18 pays.
Ces patients présentaient un hépatocarcinome inopérable, éligible à une chimioembolisation avec un score fonctionnel hépatique Child-Pugh A à B7, sans de localisations extrahépatiques et un score Ecog de 0-1.
Parmi eux, un peu plus de la moitié ont une tumeur de grade B (57 %), un quart de grade A (28 %) et 16 % de grade C.
Ils ont été randomisés en trois bras : chimioembolisation seule ; chimioembolisation associée à durvalumab puis durvalumab seul ensuite ; chimioembolisation plus durvalumab puis durvalumab/bevacizumab ensuite.
Le critère primaire est la différence de survie sans progression entre les bras chimioembolisation seule et le dernier bras, chimioembolisation plus durvalumab suivie de durvalumab plus bevacizumab. La comparaison avec le second bras, chimioembolisation simple versus chimioembolisation avec durvalumab suivie de durvalumab, est l’un des critères secondaires, avec la sécurité, les taux de réponses et les délais avant progression.
Un bénéfice significatif uniquement dans le bras avec l’anti-VEGF
Dans le bras chimioembolisation/durvalumab suivi de durvalumab/bevacizumab, la survie médiane sans progression est de 15 versus 8,2 mois après chimioembolisation seule. Soit une différence de 6,8 mois et, en valeur absolue, de 23 % (p = 0,03). Et ce bénéfice est retrouvé dans tous les sous-groupes. En revanche, on n’observe pas de différence significative de survie sans progression en l’absence de bevacizumab : on est seulement à 10 mois versus 8,2 mois. Ce qui souligne, selon les auteurs, l’importance de l’association anti-VEGF/immunothérapie.
Le temps médian avant progression est lui-même plus que doublé avec le schéma complet versus chimioembolisation seule. On est à 22 versus 10 mois quand, en ajoutant le seul durvalumab, le temps médian sans progression ne diffère quasiment pas, puisqu’il s’établit à 11 versus 10 mois.
Les taux de réponses sont en revanche nettement augmentés dans les deux bras tests. On est à 44 % avec l’association durvalumab/bevacizumab, 41 % avec le seul durvalumab, versus 21 % après chimioembolisation seule. Ce qui souligne combien taux de réponses et survie sans progression ne sont pas nécessairement corrélés.
Les effets secondaires quant à eux sont sans surprise majorés, mais sans que l’on observe de signal inattendu. Respectivement, dans les bras chimioembolisation plus durvalumab puis durvalumab/bevacizumab/chimioembolisation plus durvalumab puis durvalumab/et chimioembolisation seule, on a enregistré 32 %, 15 % et 13 % d’effets secondaires de grade 3-4. Ils ont été en grande partie gérables, puisqu’ils ont engendré respectivement 8 %, 4 % et 3 % d’interruptions de traitement. On déplore néanmoins respectivement 0 %, 1,3 % et 2 % de décès liés à ces effets secondaires.
(1) R Lencioni et al Emerald-1: A phase 3, randomized, placebo-controlled study of transarterial chemoembolization combined with durvalumab with or without bevacizumab in participants with unresectable hepatocellular carcinoma eligible for embolization. LBA432 Asco GI 2024
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