PAR LE Pr MARIE BEYLOT-BARRY*
A COTE DES mycosis fongoïdes et des syndromes de Sézary (MF/SS) qui sont les plus fréquents, les autres LCP d’origine T et B lymphocytaire comprennent des lymphomes de bon pronostic, tels que les lymphomes T à grandes cellules CD30+, ou les lymphomes B à petites cellules (centrofolliculaires et zone marginale). D’autres lymphomes plus rares ont été identifiés, nécessitant souvent une expertise diagnostique clinico-pathologique. C’est le cas des lymphomes T à type de panniculite, de phénotype CD8+, CD56-, ?ß, qui ont une évolution le plus souvent indolente à la différence d’autres lymphomes pouvant avoir une atteinte hypodermique, mais de phénotype différent (CD8-, CD56+, ?d) et surtout beaucoup plus agressifs avec des syndromes d’activation hémophagocytaire (survie à 5 ans de 82 % pour les premiers et de 11 % pour les seconds). On peut aussi citer les lymphomes B à grandes cellules de type jambe (« leg-type »), particulièrement étudiés par le Groupe Français d’Étude des lymphomes cutanés (GFELC). Ces lymphomes surviennent préférentiellement chez des sujets âgés de plus de 80 ans, avec une prédilection pour les membres inférieurs. Ils se caractérisent par un infiltrat de grandes cellules rondes de phénotype bcl2+, FOXp3+, MUM1/IRF4, sans réarrangement d’IRF4. Malgré une bonne réponse initiale obtenue par l’association chimiothérapie et anticorps anti-CD20 (rituximab), des récidives sont observées chez la moitié des patients, cutanées majoritairement sur les jambes, y compris en zone préalablement irradiée, mais aussi extra-cutanées. Ils ont un pronostic plus sombre que les autres LCP B (50 % de survie à 5 ans contre 90 % pour les centrofolliculaires). Ils imposent une prise en charge thérapeutique spécifique avec un traitement systémique adapté à l’âge et se pose la question du traitement des récidives.
Une fréquence en augmentation.
En fréquence, les LCP représentent le deuxième type de lymphome extraganglionnaire après les lymphomes digestifs. De récentes études épidémiologiques montrent une incidence en augmentation (dix à douze nouveaux cas par an et par million d’habitants). Le rôle de facteurs environnementaux potentiellement impliqués, suggéré par la surreprésentativité des ouvriers en contact avec des solvants ou des pesticides, devra être confirmé par des études cas-témoins.
De nouveaux outils pour le diagnostic et le suivi.
À côté de la recherche d’un clone par PCR sur les biopsies cutanées, qui dans les cas incertains peut apporter un argument diagnostique surtout si un même clone est retrouvé sur plusieurs biopsies, l’étude parallèle de la peau et du sang par PCR apporte est un argument diagnostique de lymphome, notamment dans une érythrodermie, si un clone identique peau-sang est mis en évidence. C’est également un élément pronostique.
Le marqueur CD158k ou KIR3DL2 est un nouveau marqueur des cellules de Sézary, permettant d’identifier des cellules tumorales dans le sang, mais aussi dans la peau. C’est un marqueur diagnostique, mais qui pourrait également être utile pour le suivi et, à terme, avoir des implications en tant que cible thérapeutique.
Pour les lymphomes B, la place de certains marqueurs pour le diagnostic différentiel entre les différents lymphomes a été confirmée. Pour les lymphomes centrofolliculaires, l’étude par FISH à la recherche d’une translocation t(14 ;18) a un intérêt pronostique et nosologique. En effet, la t(14 ;18) est absente dans les LCP centrofolliculaires, alors qu’elle est retrouvée de manière récurrente dans les lymphomes folliculaires ganglionnaires. Cela implique que la présence d’une t(14 ;18) dans une biopsie de peau de lymphome centrofolliculaire remet en cause son caractère cutané primitif et impose la recherche d’une atteinte systémique.
Des recommandations internationales.
Concernant les outils diagnostiques et le bilan d’extension, des recommandations internationales ont été publiées par l’ISCL/EORTC avec une actualisation de la classification TNM pour les MF/SS, dont la principale avancée est la prise en compte de l’atteinte sanguine « B ». Pour les lymphomes hors MF/SS, la classification TNMB utilisée pour les MF/SS n’était pas adaptée car leur présentation clinique et leur histoire évolutive sont différentes. La nouvelle classification consensuelle pour ces lymphomes tient compte de l’extension des lésions cutanées et a pour objectif d’être reproductible, utilisable pour tous les lymphomes cutanés hors MF/SS, même s’il s’agit d’un groupe polymorphe, et permet de guider le choix thérapeutique.
De nouveaux traitements, des plus simples aux plus complexes.
Si pour le MF débutant, le traitement est le plus souvent local, basé sur les badigeons de chimiothérapie locale ou la photothérapie, avec parfois des traitements alternatifs qui restent à évaluer, comme la photothérapie dynamique pour les lésions bastions, de nouveaux traitements ont été proposés pour les MF/SS évolués.
Après le bexarotène, rétinoïde spécifique des récepteurs RXR, ayant l’AMM dans les lymphomes T avancés réfractaires à au moins un traitement systémique, d’autres thérapeutiques ciblées ont été essayées, principalement dans des essais ouverts : inhibiteurs des histones désacétylases, forodésine, anti-CD52-alemtuzumab (pour le SS) ou encore inhibiteurs de la voie NF-KB et/ou immunodulateurs comme le bortézomib ou le lenalidomide. Elles permettent rarement des réponses complètes (30 % en moyenne) ou de longue durée et des associations thérapeutiques, soit entre elles, soit à des traitements plus classiques, doivent être développées pour améliorer les taux de réponses et la durée de celles-ci, tout en préservant la qualité de vie du patient. Une plateforme thérapeutique va être mise en place par l’EORTC en 2010, s’adressant spécifiquement aux MF évolués et/ou réfractaires, testant certaines de ces molécules, mais aussi intégrant le recours possible à l’allogreffe de moelle.
Pour les LCP B, c’est surtout la place du rituximab (anti-CD20), soit en monothérapie dans les LCP centrofolliculaires, soit en association à une polychimiothérapie dans les lymphomes à grandes cellules type jambe, qui s’est affirmée.
Un réseau national clinico-pathologique pour les LCP. Depuis plusieurs années, le GFELC regroupe des cliniciens, des anatomo-pathologistes et des biologistes moléculaires qui ont une activité d’expertise diagnostique et thérapeutique, d’élaboration d’études anatomo-cliniques et biologiques et de recommandations de prise en charge des LCP. L’INCA a labellisé en 2007 le GFELC dans son rôle de réseau national pour la prise en charge des lymphomes cutanés rares. Ce réseau a pour vocation, grâce à des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) nationales de recours d’aider le clinicien en difficulté devant un LCP posant des problèmes diagnostiques ou thérapeutiques. Le réseau national des pathologistes du GFELC a été reconnu fin 2009 ; il offre une expertise diagnostique, particulièrement cruciale dans certains LCP rares.
*Service de dermatologie, CHU de Bordeaux, EA2406, université Bordeaux 2.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024