Les progrès thérapeutiques en oncologie ont transformé le cours de certains cancers. La chimiothérapie, la radiothérapie et les thérapeutiques ciblées permettent dorénavant de contrôler les symptômes de la maladie, de retarder sa progression, d'espérer ou d'atteindre l'arrêt du traitement ou la guérison.
Certains de ces traitements peuvent présenter des effets secondaires cardiovasculaires bien connus. Toutefois, inversement, les maladies cardiovasculaires sont associées à une incidence plus élevée de cancers, comme cela a été montré dans des études observationnelles. Le lien a été en particulier évoqué pour l'insuffisance cardiaque. Ces études épidémiologiques ne font toutefois pas la différence entre l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée et l'insuffisance cardiaque à fonction ventriculaire réduite, alors que ces affections semblent distinctes.
Des raisons multiples
Par ailleurs, des facteurs de risque et des mécanismes physiopathologiques communs au risque cardiovasculaire et à la tumorogenèse expliquent peut-être, au moins en partie, cette association pathologique. C'est le cas du tabagisme, de l'obésité, du diabète et de l'hypertension artérielle. Certaines thérapeutiques cardiovasculaires et les radiations ionisantes constituent également des liens potentiels. L'inflammation et le stress oxydatif ont de plus un rôle central dans la physiopathologie des maladies cardiovasculaires comme du cancer. Ils sont donc des candidats probables au lien entre les deux types de pathologie. Évidemment, un biais reste possible pour expliquer le nombre d'affections tumorales chez des patients ayant une maladie cardiovasculaire. Ils sont en effet l'objet d'une surveillance étroite, le lien épidémiologique peut refléter non pas une incidence élevée, mais un diagnostic précoce (1).
WC Meijers et al. ont entrepris une étude animale dans laquelle ils suggèrent de manière probante que l'insuffisance cardiaque favorise la croissance des polypes intestinaux (2).
Les auteurs ont en effet étudié une souche animale porteuse d'une mutation non-sens de la protéine APC (Adenomatous Polyposis Coli), laquelle initie l'apparition des polypes intestinaux. Après insuffisance cardiaque postinfarctus, les animaux ont développé des polypes intestinaux plus nombreux et plus gros que ceux du groupe témoin. Les auteurs ont même mis en évidence une association entre la croissance des polypes, la fraction d'éjection ventriculaire gauche et la fibrose cardiaque. Enfin, ils ont constaté chez ces animaux des taux plus élevés de serpine A3, une antiprotéase qui agit sur les protéases à sérine et qui est impliquée dans le cancer colique.
Une preuve directe
L'ensemble de ces données fournit donc pour la première fois la preuve directe de l'association entre l'insuffisance cardiaque et la formation de tumeurs coliques.
En pratique, cette étude fait prendre conscience du risque possible d'apparition d'une tumeur cancéreuse chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque. Les auteurs suggèrent de prendre en considération des programmes spécifiques de dépistage tumoral chez ces patients. Bien évidemment, d'autres études sur les facteurs de sécrétion cardiaque et leur utilité potentielle en tant que biomarqueurs du cancer pourraient aider à stratifier le risque tumoral chez les insuffisants cardiaques.
(1) Kitsis RN, Riquelme JA, Lavandero S. Heart Disease and Cancer. Circulation2018;138:692-5.
(2) Meijers WC, et coll. Heart Failure Stimulates Tumor Growth by Circulating Factors.Circulation 2018;138:678-91.
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