PAR LE Dr EDDY COTTE, LES Prs OLIVIER GLEHEN et FRANÇOIS-NOËL GILLY *
LA CARCINOSE péritonéale (CP) a été longtemps considérée comme un stade métastatique terminal des cancers digestifs. À l’exception du pseudomyxome péritonéal, le pronostic spontané des CP d’origine digestive est très défavorable (médiane de survie inférieure à 12 mois). Depuis une vingtaine d’années, plusieurs équipes ont développé des traitements associant chirurgie de cytoréduction et chimiothérapie intrapéritonéale : chimio-hyperthermie intrapéritonéale (CHIP) ou chimiothérapie intrapéritonéale postopératoire immédiate (CIPPI). Les résultats de ces traitements sont très encourageants, laissant envisager une perspective curative, et des survies prolongées chez des malades sélectionnés. Ils ont été confirmés par l’enquête française multicentrique rapportée au congrès de l’association française de chirurgie en 2008 (1). Ce rapport colligeait les données de 1 290 patients issus de 25 centres.
Des réponses différentes selon l’origine.
•Les carcinoses péritonéales d’origine colorectale. Dans cette indication, la médiane de survie est de 33 mois avec des taux de survie globale respectivement de 86, 46 et 30 % à 1, 3 et 5 ans lorsque la chirurgie de cytoréduction avait pu être macroscopiquement complète. Ces résultats sont maintenant comparables à ceux du traitement chirurgical des métastases hépatiques d’origine colorectale. Il faut souligner par ailleurs que la présence de métastases hépatiques synchrones et résécables ne modifie pas le pronostic de ces CP et ne contre-indique pas la CHIP.
Une étude prospective randomisée est actuellement en cours pour valider l’impact propre de la CHIP dans la prise en charge des CP d’origine colorectale (étude Prodige 7-Accord15).
•Les carcinoses péritonéales d’origine gastrique. Les résultats dans cette indication sont moins encourageants avec une médiane de survie à 15 mois et des taux de survie à 1, 3 et 5 ans respectivement à 61, 31 et 25 % en cas de chirurgie complète. La radicalité de la chirurgie de cytoréduction est ici le facteur pronostique principal puisque la médiane de survie chute entre 4 et 6 mois en cas de chirurgie laissant des résidus tumoraux. Seuls les patients présentant des CP limités semblent pouvoir bénéficier de l’association CHIP et chirurgie de cytoréduction.
•Pseudomyxomes et mésothéliomes péritonéaux. Maladies rares (1 à 2 cas par million d’habitants et par an), les pseudomyxomes ou maladies gélatineuses du péritoine et les mésothéliomes péritonéaux constituent les meilleures indications de la CHIP. Pour les pseudomyxomes, la médiane de survie n’estpas atteinte, avec 84 % de survie globale à 5 ans, 61 % à 10 ans. Une majorité de patients peuvent être considérés comme guéris par l’association CHIP et chirurgie de cytoréduction puisque le taux de survie sans récidive à 5 ans atteignait plus de 60 % dans cette étude chez les malades ayant bénéficié d’une cytoréduction complète.
Pour les mésothéliomes péritonéaux, la médiane de survie était de 45 mois et le taux de survie globale à 5 ans de 38 % (très supérieurs aux résultats d’un traitement palliatif par chimiothérapie systémique : 1 an de médiane de survie et 10 % de survie à 5 ans), positionnant cette stratégie thérapeutique comme référence dans la prise en charge de ces pathologies.
Sélection des patients. La morbi-mortalité de ces procédures restant élevée (4,1 % de décès, 34 % de morbidité dont près de 10 % de fistules digestives), seuls les patients ne présentant pas de comorbidité importante, avec un âge physiologique inférieur à 65 ans peuvent bénéficier de ce type de traitement.
La radicalité de la chirurgie de cytoréduction est le facteur pronostique principal dans toutes les étiologies. Il convient de sélectionner les patients présentant une CP a priori résécable, sur les données préopératoires, sans localisations secondaires extrapéritonéales.
Que faire en cas de découverte d’une CP en peropératoire ?
En dehors d’un contexte d’urgence, pour une tumeur pauci-symptomatique, chez un malade remplissant les critères de sélection, il faut faire des biopsies péritonéales pour confirmer la CP et ne pas effectuer la résection de la tumeur primitive. Pour limiter les difficultés de la chirurgie de cytoréduction secondaire et éviter l’essaimage tumoral, il convient par ailleurs de limiter autant que possible la dissection et l’ouverture de nouveau plan de dissection. Il est en revanche capital de détailler l’extension de la carcinose (en s’aidant si possible des scores de Gilly et/ou du Peritoneal Cancer Index de Sugarbaker) et de préciser la distribution exacte des lésions quadrant par quadrant. Il faut en particulier décrire l’envahissement de l’intestin grêle car c’est sur lui que repose une grande partie de la résécabilité complète possible de la CP.
Dans un contexte d’urgence (occlusion, tumeur perforée), il convient de faire des biopsies, de décrire la CP, et de réaliser le geste le plus simple, limitant la dissection, pour répondre au problème urgent (stomie sans résection digestive par exemple).
Dans tous les cas, si une démarche à visée curative paraît envisageable, il faut en référer à un centre expert dans le traitement des CP au plus tôt, une chirurgie de cytoréduction avec CHIP pouvant être décidée avant réalisation d’une chimiothérapie systémique.
*Service de chirurgie générale, thoracique et endocrinienne, Centre Hospitalier Lyon Sud.
(1) Carcinoses péritonéales d’origine digestive et primitive. D. Elias, F.N. Gilly, O. Glehen. Rapport présenté au 110e congrès de l’association de chirurgie française. Monographie de l’AFC. Edition Arnette.2008.
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