AVEC L’AMÉLIORATION de la survie dans les cancers, il s’agit maintenant de gérer l’après-traitement comme dans toute pathologie chronique, et l’on estime à 1,7 million de personnes concernées par cette question La qualité de vie est au moins aussi importante que l’approche strictement médicale et constitue un des 5 axes majeurs du deuxième Plan cancer.
Au cours ou au décours du cancer, la sexualité est perturbée chez 65 % des patients, et jusqu’à 89 % pour les hommes et 75 % pour les femmes en cas de cancer de la cavité pelvienne. Or l’incidence du cancer chez l’homme est de 207 000 cancers par an en 2011, dont 71 000 cancers de prostate et 21 500 cancers colorectaux ; les troubles sexuels concernent aussi bien les plus âgés que les plus jeunes, chez qui la fertilité et les projets parentaux peuvent être compromis (30 % des hommes atteints de cancer sont en âge de procréer) sans oublier les partenaires, dont le nouveau statut de conjoint de malade ou de soignant relègue souvent au dernier plan le rôle de partenaire amoureux.
«Les pathologies sexuelles ne sont pas que des dysfonctionnements de la fonction sexuelle mais aussi de la relation et/ou de l’identité ; or le maintien de l’intimité, de la vie sexuelle et le soutien du partenaire sont une part essentielle des éléments permettant au patient de s’adapter positivement à sa pathologie », rappelle le Dr Pierre Bondil.
L’urologue, référent en santé sexuelle.
Pour l’urologue qui suit 800 patients atteints de cancers par an, c’est une réalité quotidienne. Les spécificités thérapeutiques de l’urologie -chirurgie potentiellement agressive, chimio-, radio- et hormonothérapie-, sont particulièrement iatrogènes pour la santé sexuelle, mais l’urologue est en même temps bien placé pour informer, prévenir et réhabiliter.
La sexualité est un aspect à prendre en compte pour le choix de la stratégie thérapeutique. Il est essentiel d’éviter le surdépistage et le surtraitement en particulier dans le cancer de la prostate pour limiter au maximum la dysfonction sexuelle, ce qui suppose une évaluation très précise du risque carcinologique. S’il est élevé, la pathologie cancéreuse reste prioritaire, mais dans les stades à risque intermédiaire ou faible, la décision thérapeutique peut être discutée en fonction des demandes et des attentes de la personne et de son couple.
L’urologue doit aussi intervenir dans les tumeurs non urologiques : il y a peu de cancers « asexués », en revanche il existe une véritable inégalité de prise en charge de la dysfonction sexuelle selon le parcours de soin. « Quelle que soit la localisation du cancer, l’urologue est le référent légitime des troubles sexuels organiques chez l’homme, en partenariat avec l’andrologue quand se pose aussi la question de la fertilité. En tant qu’acteur en santé sexuelle et en qualité de vie, il est particulièrement à même d’organiser et d’optimiser le parcours personnalisé de soins ( PPS) en oncosexologie », note le Dr Bondil.
Une forte demande de formation de la part des soignants.
Mais la vie sexuelle et son importance diffèrent selon les individus, leur état de santé et son évolution, les relations du couple au moment de la maladie, les réactions du patient et du conjoint. Et l’on sait combien la difficulté d’aborder la sexualité et les réticences qui existent aussi bien de la part des patients que des soignants. Le problème des urologues comme celui de pratiquement tous les médecins est l’insuffisance de leur formation à ces demandes qui relèvent plus de l’intime que médical. « Éthiquement, ils ne doivent pas privilégier une médecine technicienne « d’organes », rapide et objective au détriment d’une médecine humaniste globale, plus lente et plus subjective, qui incorpore la singularité des personnes tout comme les dimensions qualité de vie et environnement, le temps humain étant aussi important que le temps technique ou marchand », précise le Dr Boudil. Il faut aller au-devant du malade et être non seulement actif mais pro-actif, à condition de savoir communiquer tout en restant dans le rôle de soignant.
Aussi « le dialogue doit-il rester strictement sur un plan médical et plutôt que de sexe parler de santé sexuelle, domaine de légitimité, sinon de compétence du soignant. Des outils comme le check-list proposé pour le bilan « santé sexuelle et vie intime » lors du PPS peuvent aider à éviter une communication trop « émotionnelle » et à rester dans la neutralité empathique et la distanciation déontologique.
Les soins de support en sexo-oncologie.
Il est évident qu’il ne s’agit pas d’apporter une réponse univoque mais de personnaliser le PPS afin d’intégrer les projets de vie et attentes du malade et du couple.
La sexualité devrait être abordée tout au long du parcours de soin. Dès la consultation d’annonce le patient doit être informé – c’est une obligation éthique et légale- des risques de complications et de séquelles pour la sexualité et la fertilité. L’exploration biologique de la fonction gonadique n’a pas d’intérêt à ce stade, en revanche le statut sexuel doit être précisé avant le traitement. Il doit être régulièrement réévalué en incitant les patients à signaler les éventuels problèmes sexuels au cours de la prise en charge, puis à la fin et à distance du traitement. La plupart des cas requièrent des solutions thérapeutiques simples et relèvent d’une aide par médicaments ou soins locaux mais pour les situations plus complexes une prise en charge spécialisée et pluridisciplinaire peut s’avérer nécessaire.
D’après un entretien avec le Dr Pierre BONDIL, urologue-oncologue-sexologue, centre d’urologie-andrologie et soins de support ERMIOS, CH de Chambéry
Bondil P, Habold D. Cancers et sexualité : les médecins ne doivent plus faire l’impasse. La Lettre du Cancérologue 2012;31.
Besssède et al. Bull Cancer 2011;98:suppl 3, S127-131
Cancer, santé et vie sexuelle. Référentiel de pratiques pour les soignants coordonné par P Bondil et D Habold. Décembre 2010, www.afsos.org
Habold D, Bondil P: Cancers de l’homme et retour à la sexualité. La Lettre du Cancérologue 2010;29:170-9.
SOR Savoir patient : Vivre pendant et après un cancer. Vivre auprès d’une personne atteinte d’un cancer. Cancer et sexualité. www.e-cancer.fr
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