Dès 2016 et les débuts de l'intelligence artificielle (IA) en cancérologie, le diagnostic adapté et facilité était l'objet d'une étude, réalisée par une équipe de Stanford, concernant un algorithme capable de reconnaître sur une image des cancers de la peau. « Comparée à un panel de 21 dermatologues, c'est une des premières IA à avoir atteint un niveau de performance d'experts humains. Par contre, les images utilisées pour la construction de l'algorithme étaient essentiellement des peaux blanches, au détriment des peaux noires. L'algorithme n'étant pas représentatif de la population mondiale, il pouvait prendre des décisions biaisées en défaveur des peaux noires », explique Nicolas Rochet. Cet exemple illustre le double défi à relever avec les technologies numériques : la fiabilité des données et leur adaptation à différents types de patients…
Miser sur l'evidence based medecine
En permettant aux patients de rapporter régulièrement leurs symptômes à l'équipe médicale, l'application Moovcare aide à la détection des récidives du cancer du poumon. « On va chercher le patient qui va mal dès les premiers symptômes au lieu d'attendre le scanner », précise le Dr Fabrice Denis (Le Mans) qui travaille depuis 7 ans sur l'application. La démonstration du bénéfice apporté est au cœur du développement de Moovcare. « On a choisi de suivre l'evidence based medecine en passant par une évaluation clinique de même niveau que celle des médicaments », ajoute-t-il. Les résultats, présentés au congrès de l'ASCO 2018 et publiés en janvier 2019 (1), montrent que l'utilisation de Moovcare améliore de 7 mois la survie globale, comparée à un suivi classique intégrant un scanner tous les 3 ou 6 mois (essai de phase III incluant 133 patients). Le dossier de remboursement de ce dispositif médical connecté est en évaluation et devrait être validé de façon imminente.
Quand la technologie s'adapte aux patients
En évitant des déplacements et en remédiant au manque de médecins dans les zones isolées, la télémédecine répond déjà à certains besoins des patients. Cependant, d'autres outils plus spécifiques à l'oncologie se développent pour s'adapter à leurs pathologies, comme le projet Globulo Quest. Née d'un Hackathon organisé par la Fédération Leucémie Espoir en octobre 2017, cette solution digitale est destinée à améliorer la qualité de vie des enfants, dès 7 ans, atteints de leucémies. « On souhaite développer ce projet sous la forme d'une plateforme web et de jeux interactifs adaptés aux enfants. Les trois objectifs sont l'éducation thérapeutique et l'accompagnement du jeune malade au long du parcours de soins, le maintien de la vie sociale grâce à l'accès à une communauté de proches et le divertissement de l'enfant », détaille Aurélie Scheer-Danton, coordinatrice du projet.
Quant aux patients hospitalisés dans les services, Hospitalink, vainqueur du « Start-up challenge », leur propose une solution de communication digitale. Grâce à une application sur son smartphone, le patient peut solliciter de sa chambre le personnel soignant en envoyant le motif de sa demande à l'aide de pictogrammes préprogrammés. Outre l'avantage organisationnel pour le service, cet outil permet de réduire le délai d'attente du patient et de mieux répondre à sa demande. « Hospitalink est une solution humaine avant d'être technique », précise Louis Karsenty, ingénieur de la start-up. Actuellement en expérimentation dans trois centres, à l'hôpital Paul Brousse (Paris) et en Corse, Hospitalink pourrait être commercialisé en fin d'année si les essais sont concluants.
Vers une décision sur mesure
« Le projet européen Desiree a pour objectif de construire un outil d'aide à la décision médicale dans le cancer du sein précoce en utilisant les données cliniques des patientes et les recommandations », explicite la Dr Charlotte Ngô, chirurgien cancérologue (AP-HP). Utilisant l'IA, ce système arrive à fournir une décision thérapeutique qui va s'enrichir grâce au machine learning. Il existe également un module d'analyse automatisé des examens d'imagerie et de prédiction du résultat de la chirurgie d'après des images de la patiente. En réduisant l'hétérogénéité des pratiques, ce projet devrait aussi permettre un accès aux soins plus égalitaire.
D’après les interventions lors de la journée FASN « 36 heures chrono de la cancérologie », le 2 avril 2019.
(1) Denis F et al. Two-Year Survival Comparing Web-Based Symptom Monitoring vs Routine Surveillance Following Treatment for Lung Cancer, JAMA. 2019;321(3):306-7.
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