« DANS LA MOITIÉ des cas, on ne retrouve pas de facteur de risque particulier aux cancers du sein chez la femme de moins de 40 ans, explique le Dr Anne Lesur, onco-sénologue à Nancy et co-organisatrice des 32es journées de la Société Française de Sénologie et de pathologie mammaire. Alors, en l’absence de dépistage organisé dans cette tranche d’âge, quand une jeune femme est inquiète parce qu’elle a découvert un nodule à l’autopalpation des seins, il faut l’écouter et faire la mammographie. Si le doute persiste, seule la biopsie peut le lever, il ne faut pas tergiverser. Il y a une obligation à vérifier ce que c’est. Y compris si la femme est enceinte ». C’est un des messages des 32es journées de la Société Française de Sénologie axées cette année autour du cancer du sein chez la femme jeune, et qui se tiendront à Strasbourg du 3 au 5 novembre.
« Il y a eu des modes successives pour les tumeurs de la femme jeune, ajoute le Dr Brigitte Séradour, présidente de la Société Française de Sénologie. Les tumeurs bénignes étant de loin les plus fréquentes, à une vague de chirurgies inutiles et délabrantes a suivi un courant très attentiste consistant à réévaluer après 3 mois de progestatifs. Ça a laissé des traces chez les médecins. Alors que les mastodynies et la mastose kystique sont en diminution, il nous faut trouver une voie intermédiaire ».
Délai à la prise en charge
Si le cancer du sein chez la femme de moins de 40 ans est rare, environ 7 % de l’ensemble des cancers du sein, soit 3 500 cas par an dans l’Hexagone, et rarissime avant 35 ans, son incidence est en augmentation, en France, comme un peu partout dans le monde. « La découverte est d’emblée tardive, puisque le nodule est cliniquement palpable, poursuit la séno-oncologue nancéenne. Il ne faut pas perdre de temps supplémentaire. Parce qu’avoir un cancer avant 40 ans paraît invraisemblable, personne n’y croit, ni la famille, ni les médecins, ni l’entourage ». Chez la femme jeune, le retard à la prise en charge atteint ainsi 3 à 6 mois. « Un tel retard diagnostique et thérapeutique explique en partie que les résultats soient moins bons, commente le Dr Bruno Cutilini, onco-radiothérapeute à Reims et co-organisateur de ces 32es journées. Par comparaison, le délai dans la tranche 50 à 74 ans est de 62 jours, ce qui est déjà trop long ».
Le profil biologique des cancers avant 40 ans ne permet pas un tel retard. Pour 10 % des femmes, le cancer se développe pendant ou dans les 6 mois suivant une grossesse et ce sont les tumeurs les plus agressives.
Les consultations d’oncogénétique sont maintenant très codifiées. Les antécédents familiaux de cancer du sein font partie en effet des facteurs de risque les mieux décrits. Mais il y en a d’autres. « Le décalage de l’âge de la première grossesse et la baisse du nombre d’enfants sont en cause, poursuit-il. D’ailleurs en Chine, le cancer du sein ne cesse d’augmenter depuis la politique de l’enfant unique ». Les cellules une fois différenciées pour l’allaitement deviendraient ainsi moins sensibles aux oncogènes. Le régime méditerranéen et l’activité physique semblent également avoir un rôle protecteur. Une activité physique régulière diminuerait de 15 à 20 % le risque de cancer ainsi que celui de récidives après traitement. Autre facteur de risque à connaître, l’irradiation thoracique en période péripubertaire, de 12 à 25 ans.
Parler de « l’après »
« Il faut savoir passer la main tout de suite.Traitement conservateur ou mastectomie, reconstruction mammaire, agressivité de la chimiothérapie, hormonothérapie, chimiothérapie néoadjuvante, pour bien répondre à ces questions, il faut des consultations multidisciplinaires », explique le Dr Cutilini. De là, en dépend le pronostic ultérieur. « S’il est bon, il faut surtout leur dire, souligne le Dr Lesur. Pour beaucoup, leur vie commençait à être lancée sur des "rails". Ces femmes ont l’impression que leur vie bascule et leur échappe sans comprendre pourquoi, sans imaginer ce que pourra être "l’après". L’incompréhension, la peur et le doute les envahissent, les projets s’envolent. On pense que ce n’est pas le moment de parler fertilité, esthétique, contraception et cycles. Et bien si, c’est précisément le moment. Elles ont besoin de restaurer leur féminité mutilée et de se projeter dans l’avenir. Le taux de dépression est bien plus élevé chez les femmes à qui on n’a pas pris le temps d’expliquer les choses ».
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