BIEN QUE son incidence ait diminué en France, le cancer gastrique reste par sa fréquence le deuxième cancer digestif. La diminution de l’infection par Helicobacter pylori et une alimentation trop riche explique probablement en partie la diminution nette de l’incidence des formes distales, au profit des formes proximales (jonction sogastrique ou cardia) et des formes histologiques diffuses linitiques.
« Le pronostic du cancer gastrique n’a lui que peu évolué en trente ans, avec, selon les données des registres, une survie globale inférieure à 20 % à 5 ans », rappelle le Pr Olivier Bouché. Et, malgré de nombreux essais de phase III, la survie médiane restait jusqu’alors inférieure à un an, de 9-10 mois en moyenne avec la chimiothérapie : fluroropyrimidine, seule ou associée à un sel de platine, voire une trichimiothérapie avec de l’épirubicine ou du docétaxel chez les patients en bon état général.
C’est dans ce contexte que de nouvelles approches thérapeutiques ont été évaluées, notamment le recours à une thérapie ciblée par le trastuzumab, qui a déjà révolutionné la prise en charge du cancer du sein exprimant le récepteur HER2, en palliatif puis en adjuvant.
La surexpression de HER2 concerne de 6 à 35 % des tumeurs gastriques avancées, ce qui a conduit à mettre en place l’étude ToGA, essai de phase III, multicentrique, international, randomisé trastuzumab + chimiothérapie versus chimiothérapie seule. Le statut HER2 des tumeurs de 3 807 patients présentant un cancer gastrique ou de la jonction sogastrique avancé a été évalué de manière centralisée. En se fondant sur deux définitions de la surexpression (trois croix en immuno-histochimie [ICH3 +], ou test de FISH [hybridation in situ] positif), 22 % des tumeurs surexprimaient HER2. Quelque 584 patients surexprimant HER2 ont ainsi été tirés au sort pour recevoir la chimiothérapie (5 fluoro-uracile, ou capécitabine, et cisplatine), seule ou associée au trastuzumab.
Nette amélioration de la survie globale.
La survie globale, objectif principal de l’étude, a été significativement améliorée dans le bras chimiothérapie + trastuzumab comparativement au bras chimiothérapie seule : 13,8 mois versus 11,1 mois. « C’est la première fois que dans un essai international, la survie globale dépasse un an », insiste le Pr Bouché, qui précise que tous les objectifs secondaires de l’étude ont également été améliorés : taux de réponse objective (47,3 % versus 34,5 %), durée de réponse, survie sans progression, bénéfice clinique et tolérance. Des réductions asymptomatiques de la fraction d’éjection ventriculaire gauche ont été observées plus fréquemment dans le groupe recevant la thérapie ciblée (4,6 % versus 1,1 %), effet déjà rapporté chez les femmes traitées pour un cancer du sein. « Mais sans impact clinique », souligne le Pr Bouché.
Une analyse exploratoire de 446 patients a en outre montré que le bénéfice est encore plus important dans le sous-groupe de tumeurs ICH3 +, ou ICH2 + et FISH + : survie globale de 16 mois versus 11,8 mois.
Les résultats de cet essai ont conduit les autorités européennes à approuver récemment (28 janvier 2010) le trastuzumab (Herceptin) dans le traitement des adénocarcinomes gastriques ou de la jonction sogastrique HER2 positif (IHC2 + et confirmé FISH +, ou IHC 3 +) métastatiques, en association à la chimiothérapie par 5FU ou capécitabine plus cisplatine.
Évaluer le statut HER2.
« Désormais, en pratique, il faudra évaluer le statut HER2 de tous les patients porteurs de métastases et associer le trastuzumab à la chimiothérapie chez ceux surexprimant le récepteur. Cette stratégie impliquera une bonne collaboration entre chirurgiens, gastroentérologues, oncologues et anatomopathologistes, afin d’optimiser le circuit de demande et la qualité du test HER2. Le marquage HER2 est plus hétérogène dans le cancer gastrique que dans le cancer du sein. En l’absence de pièce opératoire, les biopsies endoscopiques devront être multiples et fixées dans de bonnes conditions pour faciliter l’analyse immunohistochimique », explique le Pr Bouché. « Par ailleurs, les techniques d’hybridation in situ (FISH) n’étaient jusqu’alors faites que dans des centres spécialisés car la nomenclature de cet acte pour remboursement n’a été obtenue qu’en septembre dernier dans le cancer du sein ».
L’arrivée du trastuzumab dans le cancer gastrique avancé constitue une grande avancée puisque cet anticorps monoclonal inaugure le traitement à la carte de ce cancer.
D’autres études de phase 3 sont en cours, qui évaluent notamment un antiangiogénique, le bevacizumab, et des anti-EGFR. Les résultats qui devraient être présentés au cours de l’année 2010 pour le bevacizumab sont bien sûr très attendus.
D’après un entretien avec le Pr Olivier Bouché, CHU de Reims.
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