« Comment annoncer des diagnostics graves aux malades et à leur entourage » : le thème du débat choisi cette année par le Conseil national de l’Ordre (CNOM) « nous préoccupe au plus haut point », assure son président, Michel Legmann. « Nous savons que nous pouvons améliorer les choses, notamment au niveau des jeunes générations », poursuit-il, en rappelant qu’une des missions de l’Ordre est de « veiller à la compétence des médecins » et à leur « devoir d’humanité et de respect à l’égard des patients ».
C’est parce que « l’empathie n’est pas la qualité la plus communément partagée » qu’il faut redoubler de vigilance face à cette question délicate de l’annonce d’un diagnostic grave : « Une annonce faite par quelqu’un qui n’a pas envie de dire à quelqu’un qui n’a pas envie d’entendre », résume Irène Kahn-Bensaude, pédiatre et présidente du Conseil de l’ordre départemental des médecins de Paris. Les médecins doivent aller au-delà de la simple consultation d’annonce, en prenant en compte ce qui se passe avant et après le diagnostic. Ainsi, dans le cadre d’une campagne de dépistage, le diagnostic doit être préparé, estime le Dr André Deseur, président de la section Exercice professionnel du CNOM : « C’est un coup de tonnerre dans un ciel calme pour la personne qui vient pour être rassurée. »
Valoriser le dépistage.
L’enjeu du dépistage doit être valorisé, considère le Pr Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (et ancien président de l’INCA). Finalement, explique le chef d’orchestre du plan Cancer, le dépistage, c’est « aller à la quête d’une bonne nouvelle », c’est-à-dire chercher « une petite lésion à un stade curable ».Mais tout le monde ne partage pas cette chance d’être détecté à temps. Face aux inégalités de santé, le Pr Christian Hervé, qui dirige le laboratoire d’Éthique médicale de l’université René Descartes-Paris V, préconise plutôt un repérage et invite les médecins à préparer des messages spécifiques aux populations défavorisées qui ne sont pas touchées par les campagnes de dépistage. « Ces inégalités sont un sujet d’inquiétude », confirme le Dr Legmann, qui regrette les choix effectués en économie de santé, comme la restriction de l’accès à l’Aide médicale d’État.
L’annonce d’un diagnostic « ne doit plus être un gros mot ». « Il faut mettre en perspective la prise en charge et offrir au patient un programme personnalisé de soin », insiste le Pr Maraninchi, pour qui le seuil minimum d’activité d’un établissement est gage de qualité. « Même lors de l’annonce d’une maladie neurodégénérative, il faut maintenir l’espoir », ajoute le Dr Deseur. La responsabilité de l’annonce appartient au médecin qui a le diagnostic en main ou qui connaît la personne. Le directeur général de la Santé, Jean-Yves Grall, parle de la nécessité d’entretenir un climat de confiance, une pédagogie qui demande de « prendre son temps ». Toutefois, il rejette l’idée d’un financement de l’annonce : « L’acte médical est un tout et n’est pas segmentable. » Afin de renforcer le rôle de coordinateur du médecin traitant, le CNOM estime que le « déploiement » d’une messagerie professionnelle électronique sécurisée « prend ici tout son sens ». Mais il y a aussi le rôle de la personne de confiance, un soutien pour le patient, parfois « sidéré » par l’annonce. Son introduction doit être associée dès le début de la prise en charge, conseille l’Ordre, qui initie actuellement un travail d’adaptation du dernier alinéa de l’article 35 du code de déontologie afin d’y préciser sa place.
Un ajout à la déontologie.
Délivrer les informations, au bon moment, en fonction des besoins et des attentes du patient : tous les intervenants du débat s’accordent à penser qu’une formation à « l’éthique, à la déontologie et à l’émotionnel » est indispensable. Cet enseignement est pourtant insuffisant. « La conférence des doyens doit prendre en considération de le structurer et de lui donner toute sa place dans les facultés », affirme le Dr Legmann. Christian Hervé n’hésite cependant pas à faire part de son pessimisme, « car, dans le cadre des grandes visées hospitalo-universitaires, les choix ne vont pas dans ce sens », déplore-t-il, en soulignant que l’enseignement, « c’est aussi à l’hôpital et dans les cabinets ». Face à l’excellence scientifique et technologique, l’universitaire entend défendre le champ de l’éthique médicale. Le compagnonnage existe « mais de manière trop restreinte », indique le Dr Legmann. Il est pourtant indispensable dans l’acquisition d’un « savoir-être ». « Les étudiants se rendent compte du décalage » entre les enseignements et la réalité de la prise en charge,témoigne Christian Hervé. Le conseil de l’Ordre vient d’ailleurs de transmettre au ministère de la Santé un nouvel article du code de déontologie (68 bis) « visant à intégrer pleinement le compagnonnage au sein de la formation des jeunes médecins ».
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