Des recherches récompensées par la fondation ARC

Le microbiote prédominant dans l'efficacité des thérapies anti-tumorales

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Publié le 20/05/2019
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microbiote

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Crédit photo : Phanie

Après avoir investigué l'immunothérapie (IT) antitumorale aux États-Unis, puis en France au sein de l'Institut Gustave Roussy depuis 1995, la Pr Laurence Zitvogel s'oriente vers un nouveau champ de recherche encore inexploré en oncologie : le microbiote. « Suite à la présence de lymphocytes d'origine digestive observés en dehors du tube digestif lors de l'administration de cyclophosphamide, nous avons comparé l'efficacité d'un agent alkylant chez des animaux recevant, ou non, des antibiotiques à large spectre. Une diminution drastique de l'efficacité a été constatée avec les antibiotiques. Toute l'histoire a démarré ainsi… », explique la chercheuse et clinicienne.

Le rôle prédominant du microbiote sur l'efficacité des thérapies antitumorales

Les recherches chez la souris ont ensuite montré que les antibiotiques réduisaient l'efficacité des thérapies anticancéreuses (chimiothérapie et IT) et agissaient sur le micro-environnement tumoral, que la flore intestinale se modifiait lors des traitements, et enfin, que la perméabilité du tube digestif permettait à certaines bactéries de passer dans la circulation et d'éduquer le système immunitaire contre le cancer (1,2).

Puis, en janvier 2018, les résultats publiés (3) prouvent que la prise d'antibiotiques une semaine à un mois avant le début d'une IT (anti-PD1 ou anti-PDL1) réduit drastiquement la capacité du patient à répondre au traitement. « Les patients, répondeurs ou non, peuvent être différenciés en fonction de la composition de leur flore intestinale. Nous avons identifié une bactérie prédominante dans la flore des répondeurs : Akkermansia muciniphila ».

Enfin, différentes flores intestinales de patients ont été administrées en aveugle chez des animaux stérilisés (sans germes) et porteurs de tumeurs. « On s'est aperçu que les souris répondeuses au traitement antitumoral avaient reçu la flore des patients répondeurs, et inversement (souris non répondeuses avec flore de patients non répondeurs). »

Respecter un mois de délai entre antibiothérapie et traitement anticancéreux

De ces travaux découlent plusieurs conséquences pratiques.

Tout d'abord, il faut éviter les antibiotiques ou respecter un délai d'un mois avant la prise d'un traitement antitumoral, pour permettre au tube digestif de récupérer. D'autre part, des tests diagnostiquant la composition de la flore intestinale sont développés pour identifier si un patient est en eubiose ou en dysbiose intestinale.

Trois applications thérapeutiques sont également possibles : le transfert de flores fécales complètes de sujets répondeurs (ou sains) vers les non répondeurs, la conception d'une pilule lyophilisée encapsulée de flore complète (ou minimaliste) de certaines bactéries, et enfin, la modification de la nutrition et du style de vie.

« Nous aurons besoin de jouer sur ces trois aspects pour prouver la possibilité d'agir sur la composition et l'intégrité de la barrière intestinale afin d'améliorer le succès thérapeutique. Il existe des caractéristiques du microbiote qui sont intrinsèques à chaque personne. Il ne sera pas facile de coloniser et de changer le microbiote d'un patient receveur.

Nous allons devoir apprendre les codes de la colonisation », reconnaît la Pr Zitvogel. Néanmoins, il est possible aujourd'hui d'influencer l'efficacité du traitement par une intervention très transitoire sur le microbiote, en administrant la pilule de flore adéquate au bon moment.

Vers de nouvelles découvertes grâce aux 150 000 euros du prix Leopold Griffuel

La prochaine étape des recherches, qui sera en partie financée par les 150 000 euros alloués grâce au prix Leopold Griffuel, portera sur la phagothérapie et la connaissance des propriétés anticancéreuses des phages. « Les phages ayant la capacité de tuer certaines bactéries de façon sélective, l'objectif est d'obtenir des phages sélectifs des bactéries à éliminer. Nous travaillons sur un phage de bactérie immunogène chez lequel nous avons découvert des vertus très intéressantes. Actuellement soumise à publication, cette découverte nous émeut tout particulièrement… ».

D’après un entretien avec la Pr Laurence Zitvogel, oncologue et directrice du laboratoire « Immunologie des tumeurs et Immunothérapie » de l’INSERM U1015 à Gustave Roussy, professeure d’immunologie à l’université Paris XI-Paris Saclay
(1) S. Viaud  et al,The intestinal microbiota modulates the anticancer immune effects of cyclophosphamide, Science  22 Nov 2013:Vol. 342, Issue 6161, 971-976
(2) M. Vétizou et al, Anticancer immunotherapy by CTLA-4 blockade relies on the gut microbiota. Science  27 Nov 2015:Vol. 350, Issue 6264,1079-1084.
(3) B. Routy et al, Gut microbiome influences efficacy of PD-1-based immunotherapy against epithelial tumors, Science  05 Jan 2018:Vol. 359, Issue 6371, 91-97

Karelle Goutorbe

Source : Le Quotidien du médecin: 9751