« EN ÎLE-DE-FRANCE, généralistes et spécialistes libéraux s’impliquent dans le dépistage organisé du cancer du sein et du cancer colorectal, mais cela fonctionne moins bien qu’ailleurs », déplore Bruno Silberman, président de l’URML. Bien décidé à faire sauter les freins qui bloquent ces campagnes à grande échelle, l’URML a lancé en début d’année une vaste enquête sollicitant 11 335 médecins généralistes, gynécologues, radiologues et gastro-entérologues, invités à s’exprimer sur leurs réticences. Vingt pour cent d’entre eux ont saisi l’occasion pour évoquer sans détour des blocages rencontrés.
Loin des objectifs.
Malgré les campagnes, le dépistage de masse organisé des cancers du sein et du côlon peine à atteindre l’objectif de 60 % de taux de participation des populations cibles. Et l’Île-de-France est parmi les mauvais élèves, avec un taux qui ne dépasse pas 40 % et s’effondre même à 28 % à Paris. « On est loin des objectifs du plan Cancer », souligne Frédéric Prudhomme, secrétaire général de l’URML d’Ile-de-France, qui perçoit des demandes clairement exprimées dans les conclusions de cette enquête. « Quarante pour cent des médecins généralistes souhaitent une formation sur le dépistage du cancer du sein, et les gynécologues ne comprennent toujours pas aujourd’hui comment ils ont pu être laissés à l’écart du dispositif. »
Peu mobilisés, pas impliqués, « les gynécologues n’ont pas d’idées concrètes sur la manière dont ce dépistage organisé se déroule », résume Régis Mouriès, président de la commission Prévention-Santé publique-Environnement. Parfois, ils ne savent pas qu’ils peuvent eux-mêmes envoyer leurs patients chez le radiologue de leur choix. « Un défaut de formation et d’information sur l’organisation de la campagne semble au cœur de ce qui ne fonctionne pas », regrette Bruno Silberman, qui établit aussi un lien avec un « déficit aigu » de la communication entre médecins.
Les résultats mal diffusés.
L’enquête de l’URML réserve aussi quelques surprises sur le comportement des patients, qui n’emporteraient pas la synthèse de leur examen. La récupération des mammographies serait par exemple loin d’être systématique. Un tiers des radiologues indiquent que leurs patientes ne viennent que rarement voire jamais retirer leurs clichés, ce qui leur pose des problèmes de stockage. Et, au-delà du simple problème de place, c’est la chaîne de la prévention qui est rompue, car ces résultats ne seraient que très rarement communiqués aux gynécologues.
Dans ces conditions, les représentants de l’URML comprennent mieux l’essoufflement des campagnes. Et sans ce retour d’information, 20 % des généralistes et 30 % des gynécologues se déclarent même totalement dissuadés de proposer ce dépistage organisé du cancer du sein.
Valoriser le temps de prévention.
En ce qui concerne le dépistage organisé du cancer colo-rectal, les premières campagnes semblent porter leurs fruits. Les généralistes et gastro-entérologues interrogés se sentent beaucoup plus impliqués dans ce dépistage, 70 % des généralistes et les deux tiers des gastro-entérologues interrogés affirmant même avoir suivi une formation récente. Pourtant, le manque de retour d’information exprimé par ces médecins libéraux se fait déjà sentir, puisqu’ils demandent de recevoir chaque année une liste du nombre des Hemoccult positifs réalisés chez leurs patients.
La comparaison de ces résultats est riche d’enseignements. Le mode d’organisation joue visiblement dans l’implication et la participation des praticiens en ville. « Le dépistage organisé du cancer du sein a contourné les généralistes et les gynécologues, à l’inverse du dépistage organisé du cancer colorectal, qui s’appuie sur le généraliste et gastro-entérologue » note Bruno Silberman, pour qui tous les espoirs sont permis, à condition que le temps consacré à la prévention par le médecin soit valorisé par la formation et de l’information. Sans quoi, « les professionnels s’interrogent sur l’intérêt du dépistage de masse alors que tous les jours, dans la presse, des débats scientifiques sèment le doute parmi les confrères, et peut encore un peu plus les faire hésiter à s’impliquer ». Cette enquête permet d’en prendre conscience et l’URML envisage de s’appuyer sur cette étude pour dessiner avec l’Agence régionale de santé les contours d’actions futures pour convaincre et peut-être changer le cours des choses.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024