› Les RDV du Quotidien
LE TOUCHER RECTAL deviendrait-il un tabou ? Une enquête conduite en France en 2007 auprès de 1 698 médecins généralistes ayant examiné 33 077 patients âgés de 50 à 70 ans montre que le toucher rectal (TR) n’est pas pratiqué systématiquement à l’évocation d’une HBP. Comment l’expliquer ? Tout d’abord côtés patients, le ressenti avant examen est très négatif. Des sentiments comme l’atteinte à la masculinité, l’impression d’humiliation, la crainte de la douleur sont exprimés chez 54 % d’entre eux (2). En revanche, l’acceptation est bonne après l’examen. De 90 à 98,5 % accepteront de se soumettre à nouveau à cet examen, mieux encore, 97 % le recommanderaient à un ami ! (3-4).
« La plupart du temps, les patients acceptent de se soumettre à cet examen si vous les informez de son bien-fondé », commente le Pr François Desgrandchamps qui ajoute : « De plus, cette préparation psychologique permet d ‘éviter une contraction anale réflexe et de faciliter le déroulement de l’exploration. » Du côté des médecins, il existe probablement, chez une minorité d’entre eux, une sous-estimation de leur aptitude clinique. « C’est regrettable,souligne ce spécialiste, car le TR est très informatif et permet d’orienter immédiatement le discours de la consultation. L’astuce à connaître est que quelle que soit la taille du doigt de l’examinateur, s’il arrive à passer au-dessus de la prostate, cela montre qu’elle fait moins de 50 g. La barrière des 50 g est très importante car sous cette taille, tous les médicaments ne sont pas efficaces et au-dessus de cette taille, en cas d’indication chirurgicale, l’ablation par les voies naturelles ne sera souvent pas possible. » Ce volume sera confirmé secondairement par les examens complémentaires.
Débat autour du dosage du PSA.
Une induration témoignant d’un cancer de la prostate est systématiquement recherchée lors du TR. Un examen normal est-il rassurant ? Non, un examen normal n’élimine pas la présence d’un cancer. Faut-il doser le PSA ? « Le dosage du PSA n’est pas un examen de première intention dans l’HBP », précise ce spécialiste. « Il n’y a pas de lien entre HBP et le cancer de la prostate. La version officielle est de dire que l’adénome touche la partie centrale et que le cancer se développe en périphérie. Ce sont deux maladies distinctes dans une petite glande. Elles peuvent néanmoins coexister mais les recommandations de la HAS troublent le débat. Il faut savoir lire entre les lignes », commente cet urologue. « La HAS dit qu’il n’y a pas lieu de faire un dépistage systématique dans les populations à risque. Cela veut dire quand même que le dépistage individuel est autorisé. »
Cette instance a en fait tiré le signal d’alarme sur le surtraitement des cancers de la prostate. Car plus on fait des biopsies, plus on en trouve. L’étude Prostate cancer prévention trial le démontre bien. Elle a été conduite en 2004 aux États-Unis et a inclus 7 000 patients. L’objectif était de voir si le finastéride diminuait le risque de cancer de la prostate. Avant d’être enrôlé dans l’étude, tous les patients avaient six biopsies quel que soit leur taux de PSA. On a ainsi mis en évidence qu’avec un taux de PSA inférieur à 2,5 %, on trouvait encore 20 % de cancers. Ce qui montre bien que si l’on cherche un cancer, on en trouve. Mais dans 80 % des cas ces cancers ne sont pas agressifs. Il faut uniquement surveiller les patients.
Conclusion de cette explication, le risque individuel de cancer n’est pas nul, la décision de faire un dosage de PSA revient au médecin. Il est attaquable s’il n’a pas informé son patient de la possibilité de ce dépistage. Si le PSA est élevé et que l’on a un doute sur un cancer, l’attitude actuelle est de demander une IRM fonctionnelle qui n’a de valeur que si elle est positive. La confirmation sera apportée par des biopsies. Le traitement d’un cancer de la prostate n’est pas systématique, la possibilité d’une surveillance active doit toujours être envisagée. Rappelons que 80 % des hommes de 80 ans meurent avec un cancer de la prostate localisé qui n’a ni évolué ni métastasé.
(1) chef du service d’urologie de l’hôpital Saint-Louis, Paris
(2) Gomes R et al. Cien Saude Colet 2008 ; 13 : 1975-84
(3) Romero FR et al. Arch Esp Urol 2008 ; 61 : 850-4
(4) Furlan AB et al. Int Braz J Utol 2008 ; 34 : 572-5
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