AVEC PLUS DE 37 000 cas en 2010, une prédominance masculine mais une augmentation considérable d’incidence chez la femme, le cancer du poumon représente pratiquement 10 % de l’ensemble des cancers. En termes d’incidence, il se situe au deuxième rang chez l’homme et au troisième rang chez la femme, mais constitue la première cause de décès par cancer avec plus de 28 000 décès par an.
Des marqueurs biologiques peuvent guider les choix thérapeutiques en prédisant l’efficacité d’un traitement (marqueur prédictif) et/ou les caractéristiques évolutives propres d’une pathologie (marqueurs pronostiques), un marqueur pronostique pouvant être également un marqueur de l’efficacité d’un traitement.
Pour les inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK) de l’EGFR, le ciblage repose sur l’identification de mutations activatrices de ce facteur de croissance, marqueur de réponse au traitement par TKI-EGFR, de durée de survie sans progression et de survie globale prolongées. Ainsi, les mutations de l’EGFR sont l’exemple d’un marqueur de bon pronostic et d’efficacité thérapeutique, voire de survie, illustrant le concept de médecine prédictive (1).
A contrario, pour les CBNPC localisés au thorax, l’expression de ERCC1, une enzyme qui participe à la réparation des lésions induites par le cisplatine au niveau de l’ADN, est un marqueur de meilleur pronostic quand la tumeur exprime cette protéine, mais de moindre bénéfice de la chimiothérapie adjuvante (2).
De l’addiction oncogénique au choc oncogénique.
En cas de mutation oncogénique, la cellule dispose de mécanismes de protection qui induisent la mort cellulaire, notamment par apoptose. La transformation maligne d’une cellule nécessite donc qu’elle échappe à ces mécanismes de sauvegarde.
Les cellules avec mutation de l’EGFR sont dépendantes de cette mutation pour leur survie, ce modèle constituant ce qui a été appelé « l’addiction oncogénique ». Le « choc oncogénique » survient lorsque le blocage de ce récepteur muté par des ITK permet d’inhiber la voie de signalisation de la survie cellulaire passant par l’EGFR, et fait basculer l’équilibre entre voies de survie (antiapoptotiques) et voies de l’apoptose (mort cellulaire) au profit de ces dernières. L’identification d’un mécanisme « d’addiction oncogénique », pour chaque type de tumeur, par l’identification du type de mutation rendant la cellule addictive, permettrait de mieux cibler la voie essentielle à la survie des cellules tumorales et de mieux rationaliser l’utilisation des thérapies ciblées (3). Ce mécanisme rend également compte de la résistance au traitement et de l’échappement au choc oncogénique, lorsque, par exemple, des clones cellulaires initialement minoritaires, porteurs de mutations de résistance de l’EGFR, sont sélectionnés, échappant à l’apoptose induite par les ITK.
De nouvelles stratégies thérapeutiques.
Les progrès thérapeutiques récents les plus spectaculaires sont ainsi le fruit du ciblage thérapeutique d’anomalies moléculaires. Ces progrès ne concernent toutefois qu’une minorité de patients, de l’ordre de 15 à 20 %, le plus souvent non exposés au tabagisme. Chez les fumeurs atteints de CBNPC, les anomalies moléculaires sont en effet multiples, sans qu’il n’ait été encore possible d’identifier un phénomène d’addiction oncogénique sur lequel agir.
Des études prospectives de phase III ont été réalisées avec le gefitinib et l’erlotinib, un inhibiteur de la tyrosine kinase, en première ligne chez des patients ayant des CBNPC de stade IIIb/IV mutés pour EGFR, comparativement à une chimiothérapie classique. Ces essais ont montré que ce traitement est plus efficace qu’un doublet de platine, chez ces patients avec mutation, le taux de réponse sous ITK étant de 60 à 75 % et la durée de survie sans progression de 9,5 et 15 mois (contre 6 mois en cas de chimiothérapie).
Des études prospectives indispensables.
Les biomarqueurs, pour être robustes, doivent être validés par plusieurs essais cliniques randomisés aux résultats concordants avec des techniques éprouvées et un nombre suffisant de patients, avant qu’ils ne soient utilisés en pratique quotidienne. Les investigateurs oncologues et pneumologues doivent donc être convaincus qu’il est indispensable d’inclure des patients dans des essais cliniques randomisés et que les prélèvements tumoraux soient collectés de manière centralisée pour permettre leur stockage et ainsi rendre possibles des études prospectives. L’effort de financement sans précédent de l’INCa des plates-formes régionales de génétique moléculaire a permis, en France, le diagnostic moléculaire de routine des mutations de l’EGFR et de cinq autres mutations dans les CBNPC pour favoriser l’accès des patients à ces thérapeutiques ciblées innovantes qui ont changé l’histoire naturelle de cette maladie.
D’après un entretien avec le Pr Gérard Zalcman, service de pneumologie et oncologie thoracique, CHU de Caen et UMR 1086 Inserm « Cancers & Prévention », président de l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT).
Liens d’intérêt.
Conférences (invitations en qualité d’intervenant) : Eli Lilly, Roche, Merck, Pierre Fabre, AstraZeneca, GSK, Pfizer, BMS.
Activités de conseil : Eli Lilly, Roche, GSK, Merck, BMS, Pfizer, Clovis Oncology.
En tant que président, crédits de recherche reçus pour le compte de l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT) : Ligue nationale contre le cancer, INCa, Roche, Eli Lilly, AstraZeneca, GSK, Pfizer.
(1) Hamburg MA, Collins FS (Food and Drug Administration). The path to personalized medicine. N Engl J Med 2010;363(4):301-4.
(2) Zalcman G, et coll. Integrating biomarkers into clinical trials: methodological issues for a new paradigm in non-small cell lung cancer. Curr Opin Oncol 2011;23(1):106-11.
(3) Cadranel J, et coll. Genetic profiling and epidermal growth factor receptor-directed therapy in nonsmall cell lung cancer. Eur. Respir J. 2011;37(1):183-93.
(4) Maemondo M, et coll. North-East Japan Study Group. Gefitinib or chemotherapy for non-small-cell lung cancer with mutated EGFR. N Engl J Med 2010;362(25):2380-8.
(5) Mitsudomi T, et coll. Gefitinib versus cisplatin plus docetaxel in patients with non-small-cell lung cancer harbouring mutations of the epidermal growth factor receptor (WJTOG3405): an open label, randomised phase 3 trial. Lancet Oncol 2010;11(2):121-8.
(6) Rosell R, et coll. Erlotinib versus chemotherapy (CT) in advanced non-small cell lung cancer (NSCLC) patients (p) with epidermal growth factor receptor (EGFR) mutations: Interim results of the European Erlotinib Versus Chemotherapy (EURTAC) phase III randomized trial. J Clin Oncol 2011;29(suppl.):abs. 7503.
(7) Filipits M, et coll. Cell cycle regulators and outcome of adjuvant cisplatin-based chemotherapy in completely resected non-small-cell lung cancer: the International Adjuvant Lung Cancer Trial Biologic Program. J Clin Oncol 2007;25(19):2735-40.
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