« On a longtemps cru que la dénutrition, dominée par la fonte protéique, était inéluctable et intrinsèque à la maladie cancéreuse. En fait, elle est autant liée à la maladie qu’aux traitements qui réduisent l’appétit, entraînent nausées, diarrhées, etc., et détériorent la qualité de vie et le pronostic. C’est pourquoi la nutrition fait aujourd’hui partie intégrante de la prise en charge des patients », résume le Dr Bruno Raynard (Nutrition, IGR, Villejuif).
Le scan, un nouvel outil très utile au suivi
Avec la réduction des apports, la maladie vient pomper dans les réserves protéiques de la masse musculaire et engendrer une sarcopénie puis une cachexie. « On peut lutter contre cette fonte protéique jusqu’à un certain point. Mais, au-delà de 20-30 % de perte de poids, on est dans la cachexie réfractaire. Il faut donc la dépister précocement, explique le Dr Raynard. Dans cette optique, le scanner est très intéressant. Un scan abdominal centré sur la 3e lombaire permet en effet d’évaluer la masse musculaire en 5 minutes, via un logiciel. » Seul bémol, pour l’instant cette mesure n’est pas automatisée mais elle pourrait l’être à l’avenir. Une étude récente, Scan, menée dans 30 hôpitaux français, a d’ailleurs permis à des binômes de radiologues/oncologues de s’approprier la technique. « Cette estimation peut être couplée aux bilans tumoraux, autorisant ainsi un suivi systématique facilitant l’intervention nutritionnelle précoce, couplée au besoin à l’interruption temporaire des traitements le temps de reverser le processus », explique le Dr Raynard.
En effet, suivre le poids ne suffit pas, en particulier chez les obèses et sujets en surpoids. D’autant que la dose de chimiothérapie, calculée sur un poids largement décorrélé de la masse musculaire lors de sarcopénie, peut entraîner d’importants surdosages.
Conseil nutritionnel ou prise en charge médicalisée
« À l'hôpital comme dans les réseaux de soins, il faut très tôt orienter les patients vers les diététiciens. Tant que la perte de poids reste inférieure à 5 %, leur rôle est central », d’après Le Dr Raynard. Le but est d’enseigner aux patients comment viser de manière autonome des apports suffisants – de l’ordre de 30 kcal/j, dont 1,2 à 1,5 g/j de protéines – en utilisant au besoin des compléments nutritionnels riches en protéines. Pour y arriver, les patients peuvent adapter le rythme et la texture des repas, les fractionner (lire ci-contre). « Il faut éviter au maximum les interdits – même en cas d’HTA, de diabète – et le forcing alimentaire, qui augmentent le risque de trouble de l’appétit, souligne le spécialiste. Lors de dénutrition sévère, la prise en charge fait appel à la nutrition artificielle. Il faut y préparer le patient en amont dans des pathologies comme les cancers ORL pour éviter un rejet au moment dit. Mais il faut aussi savoir s’arrêter à temps. » Dans la cachexie réfractaire, chez des patients en fin de vie présentant moins de 3 mois d’espérance de vie, la nutrition artificielle n’est associée à aucun bénéfice de qualité de vie. C’est même le contraire, comme l’a montré une étude récente menée à Curie (1).
Une pratique adaptée
« L’exercice physique est indispensable pour fabriquer du muscle. Donc inutile d’intervenir sur le plan nutritionnel sans mobiliser les patients », rappelle le Dr Raynard. Et, comme pour l’intervention nutritionnelle, il faut agir précocement en amont, puis adapter les exercices à l’évolution du patient. « Nous avons la chance de disposer d’un éducateur sportif dans le service. Et, bientôt, l’IGR se dotera d’un centre de remise en forme. De nombreuses associations proposent aussi des programmes adaptés. Il faut se renseigner localement auprès de la Ligue. Et si possible combiner plusieurs sortes activités physiques et des techniques de relaxation ».
Entretien avec le Dr Bruno Raynard (Nutrition, IGR, Villejuif) (1) C Bouleuc et al. Oncologist. 2020 ;25(5):e843-e851
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