Le risque est multiplié par 3,3

L’isolement social constitue un allié du cancer du sein

Publié le 08/12/2009
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Crédit photo : S Toubon

DE NOTRE CORRESPONDANT

IL EXISTE une association entre les altérations de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique (HPA) et la mortalité par cancer du sein. On sait aussi que les glucocorticoïdes inhibent l’expression du gène suppresseur de tumeur BRCA1 dans les cellules mammaires. Pour explorer la relation entre le cancer et le stress, on dispose d’un modèle expérimental : la rate Sprague-Dawley, chez qui le cancer mammaire survient spontanément.

Les auteurs ont constitué deux cohortes de rates Sprague-Dawley, suivies sur l’ensemble de la vie et exposées, de manière randomisée, à deux modes de vie : en groupe ou isolé. Ils constatent tout d’abord une multiplication par 84 de la charge tumorale (27,17 vs 0,32 g) chez les rates placées dans une situation d’isolement social. L’isolement accroît également le nombre, la taille et l’extension des tumeurs au niveau des quadrants mammaires. Ils observent, en outre, une multiplication par 3,3 du risque relatif de carcinome intracanalaire (in situ ou invasif), qui est le cancer du sein le plus fréquent.

Les réponses au stress, analysées des mois avant la survenue (vers l’âge de 15 mois) des tumeurs chez ces animaux, ont été étudiées au moyen de diverses épreuves. Par exemple, la réponse corticale au stress, mesurée 30 minutes après le placement des animaux dans une cage sentant l’urine de renard, était plus forte chez les rates vivant isolées dès l’âge de 1 à 3 mois (accroissement de la réponse corticale de 9,2 µg/dL vs 0,9 µg/dL chez les contrôles, p < ou = 0,02). Les Américains ont également pu démontrer que l’expression des récepteurs aux glucocorticoïdes dans les tissus tumoraux mammaires se faisait plus volontiers au niveau nucléaire (plutôt que cytoplasmique) chez les rates isolées, ce qui indique que ces récepteurs sont dans un état dynamique.

Les récepteurs hormonaux hors de cause.

Se pourrait-il que l’association existant entre l’isolement social et la malignité mammaire soit médiée par une activation des récepteurs aux estrogènes (RE) ou à la progestérone (RP), puisqu’on sait que la majorité (60 %) des tumeurs mammaires spontanées expriment ces récepteurs ? Les observations des chercheurs suggèrent que ce n’est pas le cas. Non seulement l’isolement n’est pas lié à une augmentation de l’expression de ces récepteurs, témoins de l’activité ovarienne, au niveau du noyau des cellules épithéliales mammaires, mais les concentrations en estrogène et en progestérone sont même plus basses chez ces animaux. Dans ce modèle expérimental, l’isolement est donc associé à un état sénescent des ovaires. La fonction ovarienne joue, au maximum, un rôle permissif, mais n’explique pas le plus grand potentiel de malignité des tumeurs mammaires chez les rates vivant dans l’isolement.

Un modèle intéressant.

Ces travaux mettent ainsi en évidence l’importance des facteurs psycho-sociaux à côté de l’impact des facteurs de risque hérités. Les chercheurs estiment en outre que le modèle expérimental de la rate Sprague-Dawley, chez qui le cancer mammaire survient spontanément, reflète plus fidèlement la réalité du cancer mammaire que les modèles employant des carcinogènes pour provoquer la croissance tumorale ou que les xénogreffes à l’aide desquelles des cellules cancéreuses humaines sont introduites chez des souris immunodéficientes. L’intérêt de ce modèle est également d’avoir permis une analyse des interrelations dynamiques entre l’organisme et son environnement sur toute la durée de la vie, ce qui a pu objectiver une relation entre une réponse au stress précoce et le développement d’une pathologie tumorale ultérieure.

GL Hermes, B Delgado, M Tretiakova, SA Cavigelli, T Krausz, SD Conzen, MK McKlintock. Social isolation dysregulates endocrine and behavioral stress while increasing malignant burden of spontaneous mammary tumors. Proc Natl Acad Sci USA (2009) Publié en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : lequotidiendumedecin.fr