PAR LE Pr RENÉ ADAM*
LE TRAITEMENT des métastases hépatiques de cancer colo-rectal (MHCCR) s’est profondément modifié au cours des dix dernières années.
- La chimiothérapie a connu une évolution spectaculaire en terme d’efficacité.
- La chirurgie a, elle aussi, considérablement progressé en terme d’extension des indications, de techniques permettant d’augmenter la résécabilité, le tout avec un moindre risque de mortalité et de complications.
- L’imagerie est devenue plus performante avec cependant encore des ?zones d’ombre? (taille tumorale < 1 cm) y compris pour le PET-scan et l’échographie avec injection de produit de contraste.
Au-delà de toutes ces améliorations, c’est surtout la combinaison des traitements qui constitue la révolution de ces dernières années, la chirurgie pouvant intervenir après la chimiothérapie chez des patients initialement non résécables, mais rendus résécables par la chimiothérapie ; la chimiothérapie étant de plus en plus indiquée en préopératoire, même chez des patients opérables d’emblée, pour améliorer les résultats de la chirurgie.
La multidisciplinarité s’est ainsi fait jour pour devenir tellement cruciale qu’elle s’est légalement imposée dans la prise en charge des patients au niveau du Plan Cancer (Réunions de concertation pluridisciplinaire ou RCP). Elle va de pair avec la prise de conscience que chaque discipline peut contribuer dans l’amélioration des résultats et dans la définition d’une véritable stratégie thérapeutique adaptée à chaque cas et décidée conjointement à chaque moment de l’évolution du patient.
Les progrès de la chirurgie.
La résection des métastases reste aujourd’hui le seul traitement potentiellement curatif et le seul autorisant une survie prolongée de l’ordre de 40-50 % à 5 ans. À ce titre, elle doit toujours être envisagée dans la stratégie thérapeutique des patients porteurs de MHCCR, que ce soit d’emblée (métastases résécables) ou après chimiothérapie d’induction (métastases initialement non résécables). L’évolution de ces dernières années a été marquée par une extension considérable des indications au point que ni la taille, ni le nombre, ni les marges de résection, ni la présence de localisations extrahépatiques, tous facteurs autrefois considérés comme des contre-indications à la chirurgie, ne représentent actuellement un frein à la chirurgie. La condition reste néanmoins que la résection soit complète et que le foie restant après hépatectomie représente au moins 30 % du parenchyme fonctionnel. Le risque de cette chirurgie s’est également réduit pour être actuellement compris entre 0 et 2 % de mortalité postopératoire dans la plupart des séries récentes. En outre, les traitements locaux de type radiofréquence constituent une aide à la chirurgie conventionnelle pour traiter in situ des lésions non résécables et d’autres techniques adjuvantes (embolisation portale, hépatectomies en deux temps) autorisent maintenant la chirurgie dans des cas « limites ».
Le consensus actuel est donc de proposer la chirurgie dès lors qu’elle est techniquement faisable et potentiellement curative, indépendamment des facteurs pronostiques « défavorables », car la résection reste la seule possibilité de survie à long terme, voire de guérison au prix d’un risque relativement faible de morbi-mortalité.
Les progrès de la chimiothérapie.
Reposant jusque dans les années 1990 essentiellement sur le 5-fluorouracile (5-FU) avec des taux de réponse objective de seulement 20-25 %, la chimiothérapie a considérablement gagné en efficacité grâce à de nouvelles molécules comme l’oxaliplatine ou l’irinotécan. Les médianes de survie ont triplé, atteignant 20 mois, tandis que les taux de réponses ont plus que doublé… L’avènement récent des biothérapies ou thérapies ciblées anti-facteurs de croissance (cétuximab, panitumimab) ou anti-angiogénèse (bévacizumab) a encore permis d’amplifier certes, l’efficacité, non seulement en termes de taux de réponse (60-80 %), mais aussi en termes de médiane de survie (› 24 mois).
Ces résultats restent néanmoins obérés à long terme par le fait que la survie à 5 ans des patients uniquement traités par chimiothérapie est inférieure à 1 %. Pour cette raison, la chirurgie est l’objectif poursuivi en cas de réponse à la chimiothérapie car elle est la seule à autoriser une survie prolongée. De fait, la réduction tumorale observée sous l’effet de la chimiothérapie peut rendre résécables des tumeurs initialement non résécables et l’expérience pionnière de l’hôpital Paul-Brousse a montré à ce titre que la résection après chimiothérapie des MHCCR s’accompagne d’une survie de 34 % à 5 ans. La résécabilité des métastases est ainsi devenue un objectif prioritaire de la stratégie thérapeutique et, grâce aux thérapies ciblées (cétuximab, bevacizumab), les chances de résécabilité sont doublées, voire triplées. Le consensus actuel consiste donc à proposer une résection hépatique à tous les patients initialement non résécables, mais qui le deviennent sous l’effet de la chimiothérapie.
L’effet bénéfique de la chimiothérapie combinée à la chirurgie dans les formes non résécables a étendu la problématique de l’intérêt de la chimiothérapie préopératoire aux formes d’emblée résécables. Une étude rétrospective avait pu montrer que la chimiothérapie pré-opératoire était susceptible d’augmenter la survie à long terme des malades opérés de formes multinodulaires (≥ 5 métastases). Plus récemment, et chez les patients ayant jusqu’à quatre métastases, une étude prospective randomisée multicentrique européenne a démontré qu’une chimiothérapie de type « FolFox » (5FU, acide folinique et oxaliplatine) en pré- et post-opératoire augmentait la survie sans progression à 3 ans comparativement à la chirurgie seule.
L’approche onco-chirurgicale.
L’évolution de ces dernières années s’est donc clairement faite vers une ?agressivité? plus grande du traitement chirurgical et des stratégies dites ?onco-chirurgicales? combinant la chirurgie à la chimiothérapie, que les malades aient une tumeur initialement résécable ou non résécable.
Le traitement des MHCCR qui ne comportait il y a quelques années que la chirurgie comme possibilité de survie à long terme chez un nombre très limité de patients (environ 10 %), s’est désormais enrichi d’autres moyens thérapeutiques. La chimiothérapie, associée aux thérapies ciblées permet certes d’améliorer la survie à titre palliatif, mais elle offre surtout à un nombre croissant de patients (30-50 %), la possibilité d’être opérés de leurs métastases alors qu’ils étaient au départ non opérables. Les traitements locaux (radiofréquence, cryothérapie) en agissant sur les lésions non résécables, permettent à une proportion accrue de malades de bénéficier d’un traitement chirurgical « combiné ». De cette multidisciplinarité des traitements émerge une efficacité plus grande de la prise en charge des MHCCR, les réunions de concertation multidisciplinaire venant, par l’intervention combinée du chirurgien, de l’oncologue et du radiologue, asseoir la décision du « bon traitement » à chaque moment de l’évolution de plus en plus longue des patients porteurs de MHCCR. Et, pour environ 25 % d’entre eux cette approche combinée leur offre même une perspective de guérison.
*Hôpital Paul-Brousse, Université Paris – Sud, Centre Hépato-Biliaire, Villejuif.
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