Au-delà de la chimiothérapie

Mésothéliome : associer les inhibiteurs de checkpoints

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Publié le 18/11/2022
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Malgré les progrès de la chimiothérapie, la prise en charge du mésothéliome reste difficile. La publication des résultats à quatre ans de l’étude CheckMate-743 confirme le bénéfice d’une double immunothérapie par ipilimumab-nivolumab.
Une pathologie rare dont l'incidence continue à augmenter

Une pathologie rare dont l'incidence continue à augmenter
Crédit photo : phanie

« Le mésothéliome est une pathologie rare qu’on espérait voir diminuer, même disparaître, suite aux précautions prises vis-à-vis de l’amiante ; mais force est de constater que son incidence continue globalement à augmenter », déplore la Pr Solange Peters (Lausanne), présidente de la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO). Or s’il peut être contrôlé et traité pendant plusieurs mois (parfois des années), il reste non curable.

À une certaine époque, le mésothéliome était traité par chirurgie, avec une pneumo-pleurectomie associée à une chimiothérapie et une radiothérapie postopératoire. Cependant, cette opération extrêmement lourde ne permettait pas de guérir les patients, et était grevée d’un effet majeur sur la qualité de vie. Certains tentent encore uniquement une pleurectomie, afin surtout d’éviter les symptômes locaux. Une étude est en cours pour évaluer son efficacité. Mais la chirurgie ne convainc plus vraiment les spécialistes.

Après une chimiothérapie par sels de platine, l’association de celle-ci au pemetrexed a permis de réduire de 23 % le risque de décès par rapport au cisplatine seul. Elle représentait le principal traitement des mésothéliomes nouvellement diagnostiqués ces 20 dernières années. 

Une réduction de 27 % du risque de décès

L’efficacité de l’immunothérapie au long cours, dans certaines tumeurs incurables, permet d’espérer un effet similaire sur les mésothéliomes, même si on manque de recul. Ainsi, l’étude CheckMate-743 a évalué chez 605 patients une immunothérapie combinant un anti-CTLA4 (ipilimumab) et un anti-PD-L1 (nivolumab) par rapport à la chimiothérapie par cisplatine-pemetrexed, en première ligne de traitement du mésothéliome pleural (1, 2). Ces inhibiteurs de checkpoints, nivolumab et ipilimumab, à très basse dose (1 mg/kg toutes les six semaines) peuvent être utilisés jusqu’à deux ans chez les répondeurs, la chimiothérapie étant limitée à six cycles au maximum. Selon les résultats à quatre ans, la survie globale médiane (critère primaire) était de 18 mois sous immunothérapie versus 14 mois pour la chimiothérapie, avec une réduction du risque de décès très significatif de 27 %. À quatre 4 ans, 17 % des patients sont toujours en vie contre 11 % sous chimiothérapie. Ce résultat est d’autant plus impressionnant que les patients du groupe chimiothérapie ont pu recevoir de l’immunothérapie, dans des lignes plus tardives de traitement. Connues pour avoir de mauvaises réponses à la chimiothérapie, les tumeurs non épithélioïdes (les plus rares) sont celles qui bénéficient le plus de l’immunothérapie, avec une diminution du risque de décès de 52 % et une médiane de survie de 18 mois (versus 9 mois). La toxicité est maîtrisable avec cette association d’immunothérapie. Elle se manifeste essentiellement par un rash, des diarrhées et un risque de pneumonies souvent de bas grades (seulement 2 % de hauts grades). 

Vers nouveau standard

« L’étude CheckMate-743 était suffisamment convaincante pour faire de l’association ipilimumab-nivolumab l’option thérapeutique de première ligne dans le mésothéliome, pour la plupart des pays européens, se félicite l’oncologue. Cette stratégie change aussi l’approche de cette pathologie pour les médecins, qui savent maintenant que pratiquement un patient sur cinq sera en vie à quatre ou cinq ans ».

On attend les résultats de l’étude BEAT-meso qui va tester la triple combinaison atezolizumab-bevacizumab-chimiothérapie versus bevacizumab-chimiothérapie, les anti-angiogéniques étant susceptibles d’améliorer la survie.

Quant à l’immunothérapie en monothérapie, elle est utilisée en deuxième ou troisième lignes mais seulement dans certains pays, les résultats n’étant pas probants. L’étude PROMISE-meso comparant le pembrolizumab à la chimiothérapie (gemcitabine ou vinorelbine), dans le mésothéliome en rechute, n’avait pas montré de différence sur la survie globale, ni sur la progression tumorale (3, 4).

Qu’il s’agisse de la monothérapie ou de la bithérapie, le grand défi actuellement serait de pouvoir repérer quels sont les patients répondeurs, mais aucun biomarqueur prédictif de réponse n’a été identifié jusqu’à présent.

(1) Zalcman G et al. ESMO 2022, abstract LBA71
(2) Peters S et al. Ann Oncol. 2022 May;33(5):488-499
(3) Popat S et al. Ann Oncol. 2020 Dec;31(12):1734-1745
(4) Popat S et al. Ann Oncol. 2022 Feb;33(2):129-142

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Bilan Spécialiste