« Le cancer de la prostate n'est pas une maladie homogène. Il faut distinguer deux grands types de cancers : ceux bien différenciés correspondant à une forme de vieillissement d'évolution très lente, rarement mortelle, et ceux moins différenciés, plus agressifs », rappelle le Pr François Desgrandchamps (CHU Saint Louis). C'est le score de Gleason qui permet de poser l'indication de traitement avec le taux de PSA et l'âge.
« Dans les cancers à faible risque d'évolution, sous surveillance active les taux de survie spécifique à 10 ans dépassent les 98 % selon les résultats de deux études prospectives (2,3) souligne François Desgrandchamps. Et l'analyse des banques de données américaines réalisées par le SEERS conforte ces résultats ».
Une première étude portant sur les cancers bien différenciés non traités avant l'ère du PSA, avait mis en évidence un taux de décès de 10-20 % dans les 15-20 ans. Mais dans une seconde analyse menée à l'ère du PSA, cette mortalité est inférieure à 5 % à 15 ans de suivi.
« Les études randomisées ne plaident pas plus pour le traitement en termes de mortalité », ajoute le Pr Desgrandchamps. Dans l'étude PIVOT menée sur 700 patients avec un score de Gleason inférieur à 6, il n'y a pas de différence entre les groupes traités par ablation versus simple surveillance ni en termes de survie spécifique ni terme de métastases à 15 ans (4). Dans l'étude britannique ProtecT comparant sur 1 500 hommes la surveillance active versus chirurgie ou radiothérapie dans des tumeurs à risque évolutif faible ou intermédiaire (Gleason 6 ou 7), la mortalité spécifique dans les trois groupes est superposable à 10 ans de suivi (5).
Limiter le traitement et éduquer les patients
« Les recommandations européennes et américaines mettent sur le même niveau d'efficacité la surveillance active et le traitement curatif dans les formes de bon pronostic, rappelle François Desgrandchamps. Or 30 à 50 % des cancers de la prostate diagnostiqués en France ont des critères de gravité qui justifieraient une simple surveillance. Mais il reste à éduquer les patients et encourager les praticiens à bien expliquer les différentes options et les risques d'un traitement inutile ».
Dépistage et suivi en pratique clinique
En France, la Haute Autorité de santé (HAS) ne recommande pas le dépistage généralisé du cancer de la prostate par dosage du PSA. Néanmoins en 2014, près de 50 % des plus de 40 ans ont eu un dosage de la PSA dans les 3 ans (InVS).
« Pour notre part nous préconisons un dosage systématique passé 50 ans. Et si le taux de PSA s'avère inférieur à 1 ng/ml, on peut en rester là. Ce seuil écarte tout risque de cancer prostatique dans les 20 ans. On élimine ainsi déjà une bonne partie de la population masculine », note F Desgrandchamps
« Au-delà de 1 ng/ml, il faut réitérer ce dosage tous les 2-3 ans dès qu'il y a plus de 10 ans d'espérance de vie ».
« Enfin si un cancer bien différencié de score de Gleason inférieur à 6 est diagnostiqué, il faut privilégier la surveillance active ». À noter, il existe un panel de 12 marqueurs génétiques qui précisent un peu le pronostic mais on ne les utilise pas en clinique. En revanche l'IRM permet de visualiser les tumeurs volumineuses et rechercher celles tendant à franchir la capsule. Après ce bilan initial, on surveille attentivement l'évolution du PSA, tous les 3 mois la première année. À un an les biopsies de contrôle guidées par IRM privilégiant les cibles non explorées précédemment viennent préciser le pronostic.
D'après un entretien avec le Pr François Desgrandchamps (CHU Saint Louis, Paris)1. F Schröder H et al. Screening and prostate cancer mortality: results of the European Randomised Study of Screening for Prostate Cancer (ERSPC) at 13 years of follow-up. Lancet 2014;384:2027–352.
Klotz L et al. Long-Term Follow-Up of a Large Active Surveillance Cohort of Patients With Prostate Cancer, J Clin Oncol 2015;33:272-3
Tosoian J et al. Intermediate and longer-term outcomes from a prospective active-surveillance program for favorable-risk prostate cancer. J Clin Oncol 2015; 33:3379-85 Wilt TJ et al. MRadical Prostatectomy versus Observation for Localized Prostate Cancer. NEJM 2012;376:203-5
Hamdy F et al. 10-Year Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Localized Prostate Cancer. NEJM 2016;375:1415-24
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