PAR LE Pr SERGE EVRARD*
L’ADMINISTRATION de l’imatinib en adjuvant après résection chirurgicale des tumeurs gastro-intestinales (GIST) est la question d’actualité pour la prise en charge des sarcomes. À partir d’une base de données (PharMetrics) (A10052), les auteurs ont extrait 6 958 patients opérés d’une GIST, 118 d’entre eux recevant de l’imatinib en adjuvant. Une régression selon le modèle de Cox a permis d’établir que les patients recevant l’imatinib en adjuvant étaient significativement moins réopérés que ceux n’en recevant pas et en cas de deuxième chirurgie, l’intervalle était plus long que dans le groupe témoin. Les résultats de l’essai SSGXVIII/AIO comparant 12 et 36 mois d’imatinib adjuvant après chirurgie étaient dans ce contexte très attendus (LBA1). L’administration longue augmente à la fois la survie sans récidive, de 47,9 à 65,6 % à 5 ans, et la survie globale, de 81,7 à 92 %. Un bel exemple de collaboration entre résection chirurgicale complète des lésions macroscopiques et thérapie ciblée efficace. À l’inverse, en situation métastatique, les GIST en réponses partielles ou stabilisées par l’imatinib ne profiteraient pas en survie sans progression d’une chirurgie des métastases, selon une étude rétrospective du groupe espagnol (A10055).
Cancer du rectum.
Il est notoire que les chirurgiens japonais sont de distingués anatomistes et de fins opérateurs. Depuis de nombreuses années, ils défendent dans le cancer du rectum le concept d’un curage ganglionnaire pelvien étendu en plus de la résection totale du mésorectum (TEM), au point de s’autoriser de négliger l’irradiation préopératoire utilisée en routine en Occident pour les lésions T3 ou N+. Bien qu’il s’agisse d’un travail rétrospectif (e14070) comparant des groupes de patients non identiques, certains ayant des ganglions suspects identifiés en préthérapeutique, un travail multicentrique nippon a montré qu’une irradiation préopératoire longue (45-50 Grays) sensibilisée au 5FU associée au curage ganglionnaire pelvien permettait de diminuer les récidives locales, de diminuer le volume tumoral et d’augmenter le nombre des conservations sphinctériennes comparativement au groupe de patients ne bénéficiant que du curage. La logique voudrait qu’à présent, les auteurs envisagent un essai comparant la radiochimiothérapie préopératoire au curage pelvien, mais on sait les chirurgiens japonais aussi peu randomiseurs que leurs confrères occidentaux !
En tant que chirurgien, j’ai toujours été frappé par la coexistence de deux standards d’irradiation des cancers du rectum en Europe. Passe encore que des deux côtés de l’Atlantique on se renvoie dos à dos l’entrecôte et le hamburger, mais au sein même de l’Europe, quand même… Du « short course » nordique (25 Grays en une semaine) et du « long course » latin (50 Grays en 4 semaines) lequel des deux est donc le meilleur ? La réponse pourrait nous venir du côté du soleil levant. Une étude rétrospective (e14093) avec deux bras un peu déséquilibrés a étudié non seulement le devenir clinique mais aussi des teneurs enzymatiques et des expressions géniques. La survie a été la même bien que dans le traitement long, les gènes inducteurs de résistance soient apparus plus actifs. Du point de vue histologique, l’avantage va en préopératoire au traitement long. De quoi permettre aux uns et aux autres de camper sur leurs positions ! Pour le traitement long, l’intervalle entre la fin de l’irradiation et la proctectomie est habituellement de 4 à 8 semaines. Plus on attend, plus l’effet radiobiologique augmente mais évolue vers la fibrose et les difficultés opératoires. Une équipe espagnole (14029) confirme cette réalité en montrant dans une étude rétrospective qu’un délai supérieur à 6 semaines versus inférieur à 6 semaines permet de faire passer de 18 à 33 % le nombre des réponses histologiques complètes. La question de savoir jusqu’où ne pas aller, reste posée.
Plusieurs travaux ont été consacrés à l’apport d’une chimiothérapie néoadjuvante associée à la prise en charge du cancer du rectum par radiochimiothérapie préopératoire. Une équipe américaine a rajouté, 0, 2 ou 4 cycles de Folfox à la radiochimothérapie à base de 5FU. Ils ont ainsi observé 18 %, 25 % et 31 % de réponses histologiques complètes et ce, sans augmentation de la morbidité induite.
Cancer du côlon.
Comme chaque année, il y a très peu de contributions concernant la chirurgie du cancer du côlon. À relever dans cette édition 2011, les résultats intéressants de la phase II britannique FOxTROT (A3568) (award du meilleur acronyme !) qui a comparé une chirurgie en sandwich à base d’oxaliplatine (pré et postopératoire) à une chimiothérapie adjuvante pour des tumeurs coliques avancées (T3 et T4). La toxicité et la morbidité périopératoires ont été acceptables avec des régressions tumorales jugées satisfaisantes amenant à une phase III, actuellement ouverte. On le voit, l’oncologie progresse par analogie et le schéma qui a fonctionné pour les métastases hépatiques est successivement testé sur le rectum puis sur le côlon.
Concernant les métastases hépatiques colorectales, très peu de travaux prospectifs ont été présentés. Citons toutefois une équipe canadienne (A3520) qui a randomisé un pour deux, 404 patients pour l’utilisation du pet-scan dans le bilan préthérapeutique. Contre toute attente, les objectifs de changements de prise en charge, voire d’abandon de chirurgie inutile, n’ont pas été atteints et de loin ! Voici qui interroge nos pratiques.
Ganglion sentinelle.
On relève quelques communications sur des aspects techniques concernant l’utilisation du ganglion sentinelle, notamment sur la possibilité de remplacer l’usage des radiotraceurs. Deux équipes japonaises (A1108 et A1122) proposent d’ajouter au colorant bleu, une fluorescence du vert d’indocyanine avec des résultats encourageants. Après un long purgatoire, la fluorescence peropératoire arrive enfin en clinique avec la promesse de mieux orienter le chirurgien. Autre technique innovante, l’Intrabeam concurrence les techniques d’irradiation externe conventionnelles. Validée par l’étude TARGIT, son utilisation a fait cette fois l’objet d’une étude cosmétique en aveugle (A1072). L’Intrabeam l’emporte haut la main avec un odds ratio à 2,35 ! Citons enfin une communication française multicentrique (A569), qui s’est intéressée aux effets du bevacizumab néoadjuvant sur la cicatrisation dans le cadre de l’étude BEVERLY 2. Les patientes exposées ont eu des complications avec une fréquence correspondant aux niveaux les plus élevés rapportés, à contrebalancer par le haut niveau de réponse histologique complète.
*Institut Bergonié, Université de Bordeaux.
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