Cancers professionnels

Que révèle le réseau national de vigilance et de prévention ?

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Publié le 17/10/2018
amiante et cancer

amiante et cancer
Crédit photo : phanie

« Le Réseau National de Vigilance et de Prévention des Pathologies Professionnelles (RNV3P) est un système de vigilance à bien distinguer des systèmes de surveillance épidémiologique. Il ne cherche pas à donner une image représentative de la situation en France. Comme pour les systèmes de toxicovigilance ou pharmacovigilance, l’objectif est de pouvoir extraire des situations professionnelles à risque pour alerter, faire de la prévention et améliorer la réglementation », explique Gérard Lasfargues, professeur de médecine et santé au travail, directeur général délégué à l’ANSES en charge du pôle « science pour l’expertise ».

Entre 2001 et 2016, cette base de données a ainsi pu recenser, auprès de 30 centres français de consultations de pathologies professionnelles, plus de 27 000 problèmes de santé au travail relatifs à un cancer (hors mésothéliome). « On s’intéresse plus particulièrement aux cancers, qui à l’issue de la consultation, vont être estimés comme un problème en relation avec le travail (PRT), laissant de côté les cas non liés à l’environnement professionnel », précise Catherine Nisse (groupe de travail Jalon cancer du réseau RNV3P). Parmi ceux-ci, onze types de cancers ont été analysés par l’ANSES au sein de cette base de données, soit 14 000 PRT liés au cancer (sur 16 500 recensés au total).

Une prédominance de cancers bronchopulmonaires

Représentant 66 % de l’ensemble des PRT liés au cancer, les 11 000 tumeurs bronchopulmonaires analysées étaient pour 68 % moyennement ou fortement imputables à l’exposition professionnelle, qui serait principalement de l’amiante dans 80 % des cas. Puis, arrivent au second plan les cancers urothéliaux (1 300 cas) qui représentent 8 % des PRT liés au cancer. Les cancérogènes en cause sont les dérivés de houille et d’amines aromatiques, ainsi que dans 10 % des cas le trichloroéthylène. Parmi les autres cancers analysés, se trouvent notamment 400 hémopathies lymphoïdes, 350 leucémies myéloïdes, 250 cancers des fosses nasales et du sinus, …

Prévenir dans les métiers du bâtiment et de la métallurgie

Les cancérogènes les plus courants étant notamment l’amiante et les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les secteurs professionnels les plus fortement exposés sont les métiers du bâtiment et des travaux publics, la métallurgie, la réparation automobile, ... « Il faut continuer à assurer la meilleure prévention possible dans ces secteurs. Ce n’est pas simple car il y a beaucoup de très petites entreprises qui n’ont pas les mêmes moyens que les grosses structures pour mettre en place la prévention, d’où l’importance des préventeurs qui peuvent les y aider », insiste le Pr Lasfargues qui rappelle que plus de 80 % des entreprises sont des TPE ou PME.

Détecter les agents cancérogènes émergents

Outre les agents cancérogènes connus responsables de cancers bien identifiés (comme l’amiante dans le cancer du poumon), on peut aussi mettre en évidence d’autres types de localisations cancéreuses pour certains agents cancérogènes connus (comme les cancers du larynx ou de l’ovaire dans le cas de l’amiante), ou bien, des agents émergents dont le lien de causalité à certains cancers est de plus en plus probable (tel que le trichloroéthylène dans les cancers des voies urinaires). « La veille sur les agents émergents (nanoparticules, perturbateurs endocriniens, …) est essentielle. En cas de signaux d’alerte dans la base de données, les préventeurs peuvent directement se rendre dans les entreprises concernées pour améliorer la prévention et la protection des travailleurs. Ainsi, les centres de consultations sont très liés aux organismes de prévention », ajoute le Pr Lasfargues.

De plus, la mise en évidence de risques cancérogènes probables permet à l’ANSES de proposer des actions dans le cadre de la réglementation européenne REACH sur les substances chimiques. Il est ainsi possible d’interdire la substance incriminée, de restreindre son usage ou de promouvoir sa substitution. « Ce fut, par exemple, le cas avec le trichloroéthylène qui est remplacé aujourd’hui par d’autres solvants beaucoup moins dangereux. On travaille aussi beaucoup actuellement sur la substitution du formaldéhyde ou la diminution des expositions aux poussières de bois, en cause dans les cancers du nasopharynx », illustre le Pr Lasfarges.

D’après un entretien avec Gérard Lasfargues, professeur de médecine et santé au travail, directeur général délégué à l’ANSES en charge du pôle « science pour l’expertise » et la présentation de Catherine Nisse (groupe de travail Jalon cancer du réseau RNV3P), le 2 octobre 2018.

Karelle Goutorbe

Source : lequotidiendumedecin.fr