LE QUOTIDIEN - Que faut-il retenir de l’étude Interphone ?
Pr GÉRARD LASFARGUES - Les résultats définitifs d’Interphone confirment, et c’est une première chose, des résultats qui avaient déjà été suggérés par des publications antérieures sur une partie de la population étudiée, notamment les données des pays scandinaves et d’une partie du Royaume-Uni de 2008. Globalement, ces données faisaient apparaître un risque de gliome cérébral significativement accru pour des utilisateurs intensifs de téléphone portable du côté de la tête où la tumeur s’est développée. Toutefois, ces résultats doivent être interprétés avec précaution puisqu’Interphone est une étude cas-témoin, c’est-à-dire une étude où l’on part de la comparaison de personnes qui ont la pathologie, en l’occurrence des tumeurs cérébrales, avec des témoins et où l’on évalue rétrospectivement les expositions passées à la téléphonie mobile. Il peut donc y avoir des biais, des biais de mémorisation ou de mauvaises classifications, ce qui peut fausser les résultats dans un sens ou dans un autre. C’est la raison pour laquelle il y a eu beaucoup de débats parmi les chercheurs présents pour savoir quelle valeur accordée à ces résultats.
L’étude n’est-elle pas cependant inquiétante compte tenu du fait que les gros utilisateurs d’il y a dix ans ont une consommation bien moindre que ceux d’aujourd’hui ?
C’est difficilement comparable. Il est vrai qu’aujourd’hui, une demi-heure de téléphone portable par jour n’est plus forcément considérée comme une utilisation intensive contrairement à ce qui était estimé à l’époque. Par contre, les modes d’utilisation de la téléphonie mobile ont changé avec la généralisation des textos par exemple ou avec la possibilité de naviguer sur internet. Par ailleurs, les niveaux d’absorption de débit spécifique (DAS) et donc de puissance émise en termes de champs électromagnétiques auprès de la tête ont changé aussi par rapport aux téléphones portables ancienne génération. Il n’y a donc pas forcément, aujourd’hui, les mêmes expositions qu’hier. La réalité étant probablement assez hétérogène, il est donc nécessaire - et c’était une partie des recommandations du rapport de l’AFSSET en 2009 - de bien mesurer les expositions et de réaliser des études de cohortes prospectives qui partiraient de l’exposition pour ensuite observer les développements de tumeur cérébrale qui pourraient être différents en fonction de l’exposition. En terme de niveau de preuve scientifique, ces études de cohortes qui pourraient affirmer ou infirmer une relation de causalité sont très intéressantes. Toutefois, si l’on veut avoir suffisamment de cas à examiner, ces études sont très longues. Par conséquent, il faut entreprendre, parallèlement, d’autres types d’études comme les méta-analyses (le CIRC prévoit d’en faire une en 2 011) ou comme celles du type Interphone en essayant de mieux déterminer l’exposition passée. Et puis surtout, cette recherche n’empêche pas de mettre en uvre un certain nombre de recommandations spécifiques à la fois sur de la métrologie, sur la mesure des expositions, ou sur des aspects plus particuliers comme l’hypersensibilité électromagnétique.
Les consignes de précaution restent-elles d’actualité ?
Les recommandations qu’avait faites l’AFSSET en 2009 restent complètement actuelles dans un contexte où, malgré tout, une incertitude persiste sur les utilisateurs intensifs de téléphonie mobile et également du fait que cette étude ne couvrait pas les adolescents et les enfants. Actuellement il y a deux études de cohortes internationales qui sont mises en route, Cosmos (« Cohort Study Mobile Communications » qui vient d’être lancée sur 250 000 adultes, de 18 à 69 ans, dans cinq pays, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, N.D.L.R.) et pour les enfants, Mobikids. À l’AFSSET, on demande à ce que les équipes françaises participent à ces études et on souhaite également que les sujets émergents comme la téléphonie mobile soient pris en compte dans les cohortes généralistes françaises.
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