LES MODALITÉS du dépistage du cancer de la prostate font l’objet d’un débat nourri depuis plusieurs années. En cause, les résultats contradictoires des grandes études publiées (ERSPC et PLCO notamment) sur les bénéfices du dépistage organisé et le risque induit de surtraitement (traitement d’un cancer sans impact sur le pronostic de la maladie) de patients à très faible risque, pointé par les urologues et les épidémiologistes, qui représenteraient environ 25 % des cancers dépistés par le PSA.
D’aucuns ont alors proposé, de façon provocatrice, pour éviter le surtraitement, de cesser tout dépistage, ce qui pourrait exposer à un risque d’augmentation de la mortalité par cancer de la prostate. Certes, un quart des tumeurs dépistées dans les protocoles de dépistage sont des microfoyers de bas grade et donc à très faible risque, mais les trois-quarts sont diagnostiqués et traités à temps, voire dans certains cas trop tardivement. Ne plus les dépister pourrait entraîner une augmentation du diagnostic de certains cancers à un stade trop évolué pour permettre un traitement local.
« Tout l’enjeu aujourd’hui est de continuer à faire bénéficier les hommes du dépistage du cancer de la prostate, en réduisant les surtraitements, ce qui peut passer par une baisse des diagnostics de microfoyers : en effet, une fois que le diagnostic de microfoyer est fait, l’inquiétude est là et il n’est pas toujours facile de faire accepter la surveillance », souligne le Pr Arnauld Villers.
Les voies de recherche pour réduire les surdiagnostics.
Plusieurs pistes sont à l’étude pour, in fine, limiter le dépistage et la pratique des biopsies diagnostiques aux hommes à risque de développer un cancer agressif au cours de leur vie.
Certaines se fondent sur le dosage du PSA total. La décision de réaliser le test diagnostique de biopsie de la prostate ne repose pas sur la seule anomalie d’un dosage unique du PSA et l’interprétation de la valeur du PSA total par rapport à l’âge du patient, au volume de sa prostate ou sa cinétique reste une démarche intéressante. Une valeur du PSA total inférieure aux médianes observées vers l’âge de 45 ans (0,6 ng/ml) pourrait définir un groupe d’hommes à faible risque, chez lesquels un dosage tous les cinq ans pourrait ensuite être suffisant. Chez les hommes de 50 à 65 ans, un taux de PSA › 0,5 ng/ml, à au moins deux reprises, pourrait mieux cibler les cancers à haut risque.
Le recours à d’autres marqueurs, tels que des formes moléculaires du PSA (index PHI), le PCA3 ou des tests génétiques pourrait être une autre solution. Une autre piste intéressante se fonde sur l’IRM, qui permet de repérer des cancers de plus de 10 mm de diamètre et/ou agressifs (grades 4 et 5) et d’exclure un cancer agressif si elle est non suspecte. Actuellement, l’IRM prostatique est utilisée chez les hommes dont le taux de PSA augmente, mais chez lesquels une première série de biopsies a été négative. Cet examen, qui est dans tous les cas fait dans le bilan après les biopsies lorsqu’elles sont positives, pourrait à l’avenir être réalisé plus précocement dans la stratégie diagnostique, chez les patients ayant un PSA › 4 ng/ml, afin de décider de la réalisation ou non de biopsies. Toutes ces stratégies sont actuellement en évaluation.
Ce que préconise l’AFU en l’état actuel des connaissances.
Ces innovations devraient à terme permettre d’affiner la stratégie individuelle de détection précoce du cancer de la prostate. Mais en attendant de réduire le risque de surdiagnostic, il est essentiel d’éviter les surtraitements.
Considérant que les études de dépistage ne permettent pas actuellement de justifier la mise en place d’un dépistage systématique, même dans les groupes à risque, l’Association française d’urologie (AFU) (1) recommande de proposer un dépistage individuel précoce du cancer de la prostate, après information objective du patient (la Haute Autorité de santé a encore récemment rappelé l’importance (2) de l’information à apporter aux hommes envisageant le dépistage individuel) afin de ne pas méconnaître un cancer agressif. Ce dépistage précoce se fonde actuellement sur le toucher rectal et le dosage du PSA total, chez les hommes de 50 à 75 ans et en bonne santé. « Les modalités de suivi et l’intervalle entre les dosages de PSA total sont fonction de sa valeur initiale et de sa cinétique d’évolution. Cet intervalle était de deux à quatre ans dans l’étude ERSPC qui montre un gain de survie de plus de 20 % en faveur du groupe d’hommes dépisté par dosage de PSA total seul », précise le Dr Xavier Rébillard.
L’AFU rappelle que la surveillance active doit être systématiquement considérée comme une modalité thérapeutique en alternative aux traitements curatifs pour tous les patients ayant un diagnostic de cancer de la prostate répondant aux critères suivants : PSA ‹ 10 ng/ml, cancer bien différencié (de grade 3) et stade clinique limité à un seul lobe de la prostate ; 1 à 2 carottes biopsiques positives au maximum sur une série d’au moins 10 prélèvements, avec un cancer de 1 à 3 mm au plus sur la biopsie la plus atteinte.
D’après un entretien avec le Pr Arnauld Villers, CHRU, Lille et le Dr Xavier Rébillard, secrétaire général adjoint de l’AFU.
(1) http://www.urofrance.org/quisommes-nous/site-urofrance/anciens-editoria…
(2) HAS. Rapport d’orientation. « Dépistage du cancer de la prostate.
Analyse critique des articles issus des études ERSPC et PLCO publiés en mars 2009 ». Juin 2010.
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