Une cible thérapeutique est identifiée

Un gène tumeur-suppresseur dans le cancer du pancréas

Publié le 14/05/2012
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ON SAIT QUE 90 % des cancers du pancréas sont des adénocarcinomes ductulaires (ADP), tumeurs qui restent de très mauvais pronostic malgré les avancées dans leur caractérisation moléculaire.

Ces tumeurs sont attribuées à de fréquentes mutations somatiques dans les gènes Kras (plus de 90 %), Cdkn2a (plus de 90 %), Tp53 (70 %) et Smada4 (55 %) ; d’autres mutations somatiques plus rares ont été identifiées ; toutefois leur importance reste incertaine.

Une équipe de chercheurs, dirigée par le Pr David Tuveson de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), a cherché à identifier des gènes qui coopèrent avec l’oncogène Kras pour accélérer le développement et favoriser la progression du cancer.

À cette fin, ils ont utilisé une technique de mutagénèse par transposons dans un modèle murin d’adénocarcinome ductulaire causé par une mutation du gène Kras.

Résultats du dépistage : le gène le plus souvent muté était le gène Usp9x (déubiquitinase liée à l’X), un gène non encore associé jusqu’ici au cancer du pancréas ou à d’autres carcinomes chez l’homme ou la souris ; le gène Usp9x était en fait inactivé dans 50 % des tumeurs chez la souris.

Protection des cellules tumorales contre l’apoptose.

Leurs travaux in vitro montrent que la perte d’Usp9x accentue la transformation maligne et protège les cellules cancéreuses pancréatiques de la mort par apoptose (anoikose), alors qu’une précédente étude avait attribué un rôle de pro-survie au gène Usp9x dans le cancer humain.

La mutation Usp9x pourrait favoriser l’oncogenèse au moins en partie en inactivant la fonction Itch, connue pour favoriser la dégradation des protéines impliquées dans la prolifération et la survie cellulaire.

Les chercheurs ont analysé les tumeurs pancréatiques de 3 cohortes de patients (100 patients australiens, 42 patients américains et 404 patients allemands) et ils ont constaté qu’une faible expression d’Usp9x est corrélée à une mauvaise survie après résection chirurgicale, et à la charge métastatique.

Enfin, lorsque des lignées cellulaires humaines d’adénocarcinome ductulaire pancréatique sont traitées par un inhibiteur de méthylase d’ADN (5-aza-2-déoxycytidine) ou un inhibiteur d’histone désacétylase (trichostatine A), l’expression d’Usp9x s’élève modérément, ce qui indique que le gène Usp9x pourrait être inactivé par modifications épigénétiques in vivo.

« Le gène Usp9x est probablement épigénétiquement inactivé (silenced) dans un sous-groupe de cancers du pancréas, ce qui explique pourquoi les précédents efforts de séquençage d’ADN n’ont pas identifié ce gène dans la carcinogenèse ; cela suggère que des modulateurs de l’epigénome actuellement disponibles en clinique pourraient offrir des thérapies bénéfiques chez de tels patients », notent les chercheurs.

Comme l’explique au « Quotidien » le Pr Tuveson, « nous avons découvert un nouveau gène, USP9X, qui apparaît ralentir le développement du cancer pancréatique. Lorsque l’expression USP9X est perdue, le cancer du pancréas progresse et métastase plus rapidement chez les patients. Le gène USP9X est inactivé (ou réduit au silence) probablement par des modifications épigénomiques. Nous proposons que de tels changements épigénomiques sur le gène USP9X pourraient être inversés en utilisant des médicaments spécifiques, de façon à "réactiver" le gène ».

Perez-Mancera et coll. Nature du 29 avril 2012.

 Dr V. N.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9125