Le rôle de l’interleukine 18 (IL-18), était surtout connu dans l’activation des cellules Natural Killer (NK), des lymphocytes de l’immunité innée capables de reconnaître des cellules cancéreuses. On pensait notamment que cette cytokine inflammatoire permettait de stimuler la sécrétion d’interféron gamma, par ces cellules NK. « L’IL-18 était donc jusqu’à présent considérée comme antitumorale plutôt que pro-tumorale. Ça a été une surprise ! On ne s’attendait pas à découvrir un rôle délétère de l’IL-18 dans le myélome », précise le Dr Ludovic Martinet.
Un frein du système immunitaire favorisant le développement tumoral
Menés en collaboration avec une équipe australienne, ces travaux ont d’abord mis en évidence, dans les modèles murins, le non-développement du myélome en l’absence d’IL-18. « Après confirmation de cette première découverte, on s’est aperçu que l’IL-18 n’agissait pas directement sur la tumeur mais sur le système immunitaire en le freinant, permettant ainsi à la tumeur de se développer. Nous avons ensuite constaté une forte corrélation entre l’IL-18 et les cellules myéloïdes suppressives (MDSC), dont la fonction immunosuppressive se trouvait stimulée par l’IL-18. Puis, nous avons analysé chez 152 patients le niveau d’IL-18 dans le sérum et constaté que l’IL-18 ressortait comme un facteur pronostique indépendant de la cytogénétique (la cytogénétique étant actuellement le facteur pronostique clé dans le myélome multiple). En bloquant l’IL-18 chez des souris, nous avons alors observé non seulement une croissance tumorale limitée, mais aussi une amélioration de l’efficacité des traitements de chimiothérapies classiques, comme les inhibiteurs du protéasome tels que le bortézomib (Velcade). Ceci confirme d’ailleurs l’effet immunodépendant de la chimiothérapie. En revanche, en présence d’une forte concentration d’IL-18, le système immunitaire est inhibé, la tumeur se développe et la survie est plus faible. Le taux d’IL-18 dans la moelle osseuse est donc un biomarqueur potentiel pour donner le pronostic de la maladie ».
Un mécanisme spécifique au myélome ?
« Avec l’IL-18, nous avons découvert un mécanisme se trouvant dans la moelle osseuse et donc spécifique au myélome ». Si l’IL-18 est un frein important dans le cadre du myélome, elle l’est aussi probablement dans les cancers du sein ou de la prostate développant des métastases médullaires. « Le mécanisme de l’IL-18 pourrait donc ne pas être unique au myélome mais concerner toutes les tumeurs se nichant dans la moelle. Cela reste à déterminer. Avec nos collègues australiens, nous allons essayer d’extrapoler et d’aller plus loin dans la compréhension de l’immununo-privilège de la moelle ».
Une piste thérapeutique à investiguer
L’IL-18 pourrait également se révéler une voie thérapeutique d’avenir, notamment en association aux traitements actuels. Dans le myélome, les anticorps monoclonaux développés tels que les anti-CD38 (comme le daratumumab récemment approuvé dans le myélome) agissent de façon immunodépendante. Parallèlement à ce type de traitements, cibler l’IL-18 permettrait de restaurer les fonctions immunitaires et ainsi d’améliorer les chances de réponse des patients traités. L’objectif dans la prise en charge du myélome multiple est d’éviter au maximum les rechutes, qui restent un problème majeur. Si les patients atteints de myélome répondent bien en première ligne, ils font souvent de multiples rechutes jusqu’à ce que la maladie ne soit plus contrôlable. « Le but est donc d’essayer d’instaurer dès la 1re ligne une réponse durable médiée par l’immunité. C’est un moyen de contrôler la tumeur à long terme ».
En préclinique, des anticorps anti-IL18 commencent à se développer. L’étape suivante serait la mise en place d’un essai de phase I pour évaluer la toxicité et vérifier l’absence d’éventuels effets délétères. Des inhibiteurs de l’inflamasome, qui bloquent la production d’IL-18, existent également. Ces agents, un peu plus avancés en clinique, pourraient commencer à être testés dans le myélome.
« Nous continuons à travailler sur l’immunité dans le myélome avec d’autres molécules qui ciblent des récepteurs des lymphocytes, ainsi qu’avec des cellules suppressives comme les lymphocytes T régulateurs. Nous avons des pistes d’agents qui pourraient agir en synergie avec les anti-IL18. Ce sont des accélérateurs de la réponse immunitaire, directement à l’origine de l’activation des cellules immunitaires. Une de ces molécules est le CD137 qui, en activant les lymphocytes, guérit le myélome dans nos modèles murins. Cette molécule étant malheureusement un peu inflammatoire, nous essayons de mieux comprendre son fonctionnement pour limiter les effets secondaires ».
En somme, si les accélérateurs et les freins du système immunitaire sont mieux compris, ils ne sont pas encore tous connus. « Ce n’est qu’en les comprenant bien que nous pourrons réussir à contrôler le système immunitaire et à le piloter à façon ».
D’après un entretien avec Ludovic Martinet, chargé de recherche à l’Inserm, Toulouse.
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