SEULEMENT 10 % des maladies cliaques sont diagnostiquées. Ainsi, il y aurait plus de 150 000 Français et plus de 2 millions d’Européens et de Nord-Américains, touchés et ce, à tous les âges. Dépister les quelque 135 000 Français qui ne se savent porteurs pas atteints de cette affection est donc tout l’enjeu de ces prochaines années. « C’est un point important car les études rétrospectives qui ont été réalisées dans les cohortes de vétérans, tendent à montrer que les personnes qui ne sont pas diagnostiquées ont une mortalité augmentée, toutes causes confondues. Et même si cela reste à démontrer, nous avons bon espoir qu’un diagnostic et une prise en charge précoces permettent de limiter cette surmortalité » souligne le Pr Cellier.
Rappelons que l’intolérance au gluten, ou plus exactement, à sa fraction alpha-gliadine est en rapport avec une augmentation de la perméabilité intestinale : la gliadine passe la muqueuse et est ensuite modifiée par une enzyme – la transglutaminase tissulaire – puis présentée à des lymphocytes, qui déclenchent une réaction inflammatoire. Cette dernière s’accompagne en outre d’une production d’interleukine 15 (IL-15) qui favorise, à terme, l’émergence de lymphomes T à partir de lymphocytes intraépithéliaux anormaux.
Dans la grande majorité des cas (80 %), cette affection est peu parlante sur le plan clinique. La triade longtemps décrite, associant diarrhées avec stéatorrhée, douleurs abdominales et syndrome de malabsorption du grêle, ne concernerait en réalité que 20 % des malades. On ne peut donc pas s’y fier pour repérer les patients.
« C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à demander une recherche d’anticorps antitransglutaminase (examen pris en charge par la sécurité sociale) au moindre doute, en particulier chez les patients ayant un trouble fonctionnel intestinal, une anémie ferriprive, une ostéopénie ou une déminéralisation osseuse inexpliquée ou, encore, des aphtoses buccales à répétition » insiste le Pr Cellier. Cet examen est aussi utile chez les enfants dont l’un des parents est concerné car leur risque d’être touché est alors de 5 à 10 %. Lorsque ce dosage se révèle positif (ou directement si l’on a suffisamment d’arguments cliniques), une fibroscopie avec biopsies duodénales permet de confirmer le diagnostic. Si c’est le cas, la recherche d’une susceptibilité génétique (typage HLA II) peut être intéressante. En effet, la maladie cliaque survient préférentiellement (mais pas exclusivement) chez des patients génétiquement prédisposés, exprimant une molécule du système HLA de classe II (DQ2 ou DQ8). Or DQ2 et DQ8 sont aussi des allèles de susceptibilité d’autres maladies auto-immunes comme le diabète.
Régime sans gluten : la France, très en retard.
Le régime sans gluten est la seule prise en charge ayant actuellement montré qu’elle pouvait réduire les risques de complications malignes, osseuses et la survenue de maladies auto-immunes associées. Même s’il est assez contraignant, puisqu’il repose sur l’éviction définitive de tous les aliments à base de blé, d’orge ou de seigle, il est parfaitement justifié.
Ce régime apparaît malheureusement compliqué à mettre en place sur notre territoire. En cause : les difficultés rencontrées par les patients pour se procurer des produits sans gluten (notamment à prix abordable) et pour s’y retrouver (étiquetage alimentaire insuffisant). Auchan est la seule grande chaîne de distribution à avoir mis en place des produits sans gluten dans ses rayons, alors qu’au Royaume-Uni ou en’Italie, on en trouve partout. « Conséquence : environ 50 % des patients français suivent un régime sans gluten imparfait, avec le risque de voir se développer, à terme, d’autres pathologies liées » regrette le Pr Cellier.
Ces difficultés ont conduit à rechercher d’autres solutions thérapeutiques.Parmi les pistes explorées, certaines portent sur des enzymes capables de détoxifier le gluten (prolylendopeptidases ou PEP) et ainsi d’augmenter la digestion intraluminale des peptides du gluten. Des antagonistes de la zonuline, qui accroît la perméabilité des jonctions serrées entre les cellules de l’épithélium intestinal, sont à l’étude, afin de bloquer la pénétration intestinale de la gliadine. Une étude australienne évalue la vaccinothérapie afin d’essayer d‘induire une plus grande tolérance des cellules immunitaires envers les protéines du gluten.
D’après un entretien avec le Pr Christophe Cellier, service de gastro-entérologie, hôpital européen Georges Pompidou, Paris.
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