DE NOTRE CORRESPONDANTE
C’EST LA PREMIÈRE fois, en France, que des recommandations co-élaborées par* des professionnels de santé et des « profanes », appellation sous laquelle se rassemblent les usagers, vont émerger. « Nous n’avons aucune expérience de la coconstruction de recommandations », a reconnu le Pr Franck Chauvin, cancérologue à l’Institut de cancérologie de la Loire et membre du comité d’organisation, qui a toutefois rappelé combien il lui semblait important que les profanes « prennent part » à l’élaboration des recommandations de bonne pratique. « Au sein des ministères, tout le monde considère que c’est normal pour une personne âgée de développer un cancer, a-t-il estimé. Ces recommandations sont donc importantes pour faire évoluer les mentalités, donc la politique. »
La journée du 26 novembre était donc consacrée à la présentation, en public, des connaissances existantes sur le dépistage et le traitement des cancers chez les plus de 75 ans, ainsi qu’à la restitution des travaux réalisés dans chacun des 2 groupes de 10 profanes et professionnels de santé. Ce n’est qu’à l’issue de cette conférence qu’un jury, composé d’une quinzaine de personnalités diverses et présidé par le Pr Régis Gonthier, gériatre au CHU de Saint-Etienne, synthétisera les débats, arrêtera ces recommandations, les transmettra aux partenaires de la conférence et à l’INCa, puis les diffusera le plus largement possible.
Croyances et représentations.
Les données, épidémiologiques et autres, disent d’elles-mêmes l’intérêt d’effectuer un dépistage opportuniste. Du côté de la démographie d’abord : si les plus de 75 ans représentent 7 % de la population actuelle en France, ils seront 20 % dans une trentaine d’années. L’épidémiologie, ensuite, révèle qu’il y a plus de 90 000 nouveaux cas de cancers chez les plus de 65 ans en France et que, par ailleurs, 70 % des décès par cancer surviennent après 65 ans. « Or, il n’y a aucune raison pour que cette mortalité soit plus importante », a souligné le Pr Jean-Pierre Droz, cancérologue au Centre Léon Bérard de Lyon, si ce n’est, hélas, une prise en charge plus tardive, en partie liée à la « sortie » de ces personnes des dépistages systématiques. Le coût, enfin, du traitement d’un cancer chez un plus de 75 ans et chez une personne plus jeune – pris à un stade d’évolution identique – est le même ; tout au plus, est-il un peu plus élevé chez les premiers, « en raison des actes infirmiers permettant le maintien à domicile », a expliqué le Pr Chauvin.
Les comptes-rendus des profanes comme des professionnels ont permis d’identifier de nombreux obstacles au diagnostic opportuniste, à commencer par des croyances et représentations de part et d’autre, mais aussi des difficultés à aborder la question du cancer, de pratiquer la palpation des seins ou un toucher rectal... Des freins culturels ont aussi été évoqués par les profanes, « éduqués à se taire », et par les soignants, qui pensent parfois « infantiliser » la personne âgée. Autres obstacles : le sentiment de sympathie qui s’installe entre le patient et son médecin, peut parfois, faire occulter un élément important, ou encore le besoin « d’avoir du temps » côté profane et la nécessité de faire vite côté médecin. À ce titre, la création d’une consultation annuelle, avec cotation adaptée, de diagnostic précoce du cancer du sein chez les plus de 75 ans, a d’ores et déjà été proposée.
Reste à voir ce qui sortira de cette conférence extrêmement riche dans les échanges qu’elle a déjà suscités, puis évaluer l’impact des recommandations – notamment chez les profanes, pour qui c’est une première – et, enfin, observer si cette méthodologie fait des émules.
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