Le Quotidien du Médecin. Bien que ce CCR soit un cas d’école pour le DO (évolution longtemps asymptomatique, guérison dans 90% des cas si dépistage à temps, test simple), le taux de participation piétine. Pourquoi ?
Dans le cadre du programme de DO du CCR, le passage en 2015 du test au Gaïac (Hémoccult) au test immunologique fécal (FIT), plus simple d’utilisation et plus performant (2,4 fois plus de cancers détectés et 3,7 fois plus d’adénomes avancés) n’a pas eu l’effet escompté sur la participation, qui demeure insuffisante malgré la campagne institutionnelle « Mars bleu ». Sur la période 2017/2018, le taux de participation au DO étaient de 32,1 %, en léger recul par rapport à la période précédente (33,5 %). Ce taux concerne exclusivement la réalisation d’un FIT chez les personnes ayant un risque moyen de CCR, sans autre facteur de risque que l’âge. La coloscopie de première intention n’est pas comptabilisée bien que cette prévention personnalisée soit largement pratiquée (10 à 15 % de la population cible). Par ailleurs, la coloscopie est recommandée chez les personnes à haut ou très haut risque, mais la participation est également difficile à quantifier et certainement trop faible.
Sur les 17 millions de personnes âgées de 50 à 74 ans concernées par le DO, seules 5,5 millions ont réalisé le test ; soit près d’une dizaine de millions qui boudent le dépistage. Malgré ce taux de participation insuffisant, 2 200 nouveaux CCR et 2 600 décès sont évités chaque année, des données qui confortent le caractère coût efficace du programme. Un taux de participation à 45 %, objectif minimal européen, permettrait d’éviter 3 500 cancers et 4 000 décès.
Pourquoi l’activité de dépistage s’est-elle davantage effondrée ces dernières années ?
La dynamique nécessaire à la promotion efficace du dépistage est délicate. Elle implique de très nombreuses instances, de culture et de fonctionnements différents, notamment la Direction générale de la santé, l’Institut national du cancer (INCa), Santé publique France, qui interviennent avec l’aide opérationnelle de la Caisse primaire d’assurance maladie et de partenaires privés réunis en consortium. Une gouvernance simplifiée de type taskforce opérationnelle impliquant plus de professionnels de terrain pourrait être envisagée.
La mise en œuvre opérationnelle du DO du CCR, auparavant du ressort des départements, a été régionalisée et confiée aux ARS à partir de 2018. Cette régionalisation, qui se voulait un moyen d’efficacité et d’équité, a eu un effet de complexification avec un désinvestissement des professionnels de terrain précédemment impliqués et un ralentissement des actions menées.
Les recours juridiques de certains industriels impliqués ont aussi ralenti la mise en œuvre. Enfin, le Covid-19 a stoppé net dès la mi-mars 2020 le dépistage, bien que de manière différentiée selon les régions. Le redémarrage est progressif et le retard accumulé dans la réalisation des endoscopies en cas de tests positifs devrait probablement être absorbé avant la fin de l’année.
Plusieurs pistes sont envisagées par l’INCa pour gagner des points de participation. Lesquelles devraient être privilégiées ?
Il faudrait favoriser l’accès direct de la population au test FIT. Une stratégie envisagée par l’INCa, déjà adoptée au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, est l’envoi du test à domicile avec l’invitation à toutes les personnes éligibles. Avec ce système, les Pays-Bas obtiennent une participation de près de 70 %. Cette action devrait être testée à grande échelle et, en cas de résultat favorable sur notre territoire, être rapidement généralisée. Il s’agit d’un vrai changement de paradigme, alors qu’aujourd’hui la remise des tests est centrée autour du médecin traitant, même si les gastroentérologues, les gynécologues et les médecins des centres d’examens de santé peuvent aussi en remettre depuis mars 2018. Il a été démontré que cette stratégie d’envoi du test au domicile était coût-efficace. Aujourd’hui, elle est en vigueur lors de la seconde relance uniquement pour ceux ayant déjà participé au moins une fois au DO.
De nouveaux moyens doivent être mobilisés. Nous avons tenté de solliciter pendant deux mois (décembre 2018-janvier 2019) les personnes cibles résidant dans une zone urbaine défavorisée à travers Facebook, en les sélectionnant uniquement selon l’âge (50-75 ans). Les personnes consentantes ont rempli un formulaire en ligne de demande de test. 39 900 personnes ont été ciblées par la campagne. Sur les 298 candidats qui ont demandé un kit, 160 étaient éligibles et le taux de réalisation du test était de 41,9 %. Ce type d’action maintenue dans le temps pourrait augmenter le taux de participation de 3 à 4 %, pour un coût modeste.
Par ailleurs, de nouveaux tests moléculaires sont en cours de développement.Très attendus, ils présenteraient l’avantage de simplifier le dépistage et de faciliter son acceptation par le grand public comparé au test fécal.
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