LES TUMEURS RARES regroupent un ensemble de tumeurs dont l’incidence annuelle est inférieure à 3 pour 100 000 nouveaux cas ou qui nécessitent une prise en charge hautement spécialisée du fait de leur siège (mélanome de l’uvée, tumeurs du péritoine), de leur complexité (sarcome des tissus mous, tumeurs oligodendrogliales de haut grade) ou du terrain sur lequel ils surviennent (néoplasies de la femme enceinte). « Du fait de leur rareté, ces pathologies sont mal connues. Les praticiens, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, y sont parfois confrontés une seule fois dans leur carrière », explique au « Quotidien » le Pr Jean-Yves Blay, oncologue clinicien, spécialiste des sarcomes au centre Léon-Bérard (Lyon) et président de l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC). L’enjeu est diagnostique et thérapeutique. « Le risque d’un retard au diagnostic peut influencer la qualité de la prise en charge et, à terme, le pronostic », poursuit le spécialiste. Les patients atteints de tumeurs rares décrivent souvent un parcours plus difficile que ceux touchés par une tumeur non rare.
Dans ce contexte, le Cercle des tumeurs rares, un groupe de réflexion* qui s’est fixé comme mission de contribuer à l’égalité d’accès aux traitements et aux centres de références pour tous les patients atteints d’un cancer rare, a souhaité dresser un état des lieux de la prise en charge de ces pathologies afin d’identifier les besoins et les attentes des médecins, des patients et des associations de patients. Pour l’étude, menée de novembre 2009 à février 2010, ont été interrogés 401 médecins généralistes libéraux, 101 spécialistes, hématologues et oncologues médicaux exerçant à l’hôpital, 169 patients atteints de tumeurs rares, 102 patients atteints d’une tumeur non rare. Des questionnaires ont été adressés à 36 associations répertoriées par le Cercle des tumeurs rares, 20 d’entre elles y ont répondu.
La moitié des patients.
Les patients évoquent des difficultés lors du diagnostic. Celles-ci sont liées à la rareté de la maladie (78 % contre 16 % des patients atteints d’une tumeur non rare), au déficit de connaissances de la pathologie de la part des généralistes (76 % versus 28 %) ou des spécialistes (46 % versus 17 %), à la complexité de la maladie (68 % versus 31 %) ou encore au circuit de soins (délais des rendez-vous ou éloignement géographique des spécialistes pour 42 % d’entre eux versus 34 %). Toutefois, le délai entre la première consultation et l’annonce du diagnostic est équivalent entre tumeurs rares et non rares, même si les patients ont tendance à le vivre comme long (43 % et 41 %). Dans l’étude, 63 % des patients atteints de cancers rares déclarent avoir été diagnostiqués en moins de 3 mois (72 % pour les tumeurs non rares). Ces malades sont plus jeunes : 17 % ont moins de 2 ans (2 % seulement des tumeurs non rares) et 39 % ont moins de 30 ans (9 % pour les tumeurs non rares). En cas de tumeurs rares, les délais sont plus importants pour les adultes de 30 ans et plus : 29 % sont diagnostiqués en moins de 2 mois contre 62 % des patients âgés de moins de 30 ans.
Si la rareté pose problème, elle semble sensiblement accroître l’attention portée au patient. Quel que soit le type de tumeurs, rares ou non rares, la moitié des patients ont déclaré avoir rencontré des difficultés. Mais ceux atteints de tumeurs rares évoquent moins que les autres un manque de soutien psychologique (23 % versus 37 %) ou un manque d’humanité et de pédagogie au moment de l’annonce (19 % versus 23 %). En revanche, ils sont très demandeurs d’information sur leur maladie (41 % évoquent un manque versus 12 %). Leurs demandes portent essentiellement sur l’avancée de la recherche (56 %), les traitements (48 %) et les différentes phases de la maladie (47 %).
Les patients considèrent que les associations leur fournissent information et aide de façon plus satisfaisante que les médecins : dans le premier cas, le taux de satisfaction est de 89 % (7 % d’insatisfaits) ; dans le second, il est de 63 % (36 % d’insatisfaits). C’est d’ailleurs, avec Internet, leur principale source d’information (68 %) avant les médecins spécialistes (51 %) ou généralistes (14 %). Plébiscitées par les patients, les associations déplorent un manque de reconnaissance de la part des professionnels de santé.
Peu dans la pratique du généraliste.
Du côté des médecins, l’étude montre bien que la confrontation à une tumeur cancéreuse ou à prédisposition cancéreuse rare est peu fréquente : 27 % des généralistes n’en ont jamais rencontré (6 % des spécialistes) et 47 % y ont été confrontés moins de 10 fois (12 % des spécialistes). L’environnement de la prise en charge est également peu connu : seulement 7 % des généralistes (contre 34 % des spécialistes) déclarent connaître les associations de patients dédiées (93 % et 66 % ne les connaissent pas) ; 20 % (66 % des spécialistes) ont entendu parler de la démarche de labellisation de centres de référence pour les cancers rares. Ils évoquent des difficultés à informer les patients sur la maladie et le traitement ou pour répondre à leurs questions de manière générale. Eux-mêmes s’estiment peu informés : 83 % (93 % des spécialistes) déclarent l’être sur les tumeurs cancéreuses mais seulement 21 % (71 % chez les spécialistes) pour les tumeurs rares ; 78 % (26 % chez les spécialistes) disent être mal informés. Pourtant ces généralistes sont en moindre demande d’information que les spécialistes (77 % contre 82 %). Ils souhaitent surtout être informés par Internet (77 % et 88 %), par la formation continue (38 % et 31 %), par la presse médicale (32 % et 43 %). L’échange entre confrères lors de colloques et de congrès est surtout évoqué par les spécialistes (54 % contre 15 % des généralistes). À la question « Si une formation sur la détection des tumeurs rares vous était proposée, y participeriez-vous ? », 76 % des spécialistes contre 67 % des généralistes répondent favorablement ; 23 % et 31 % n’y sont pas favorables.
L’information et la formation des généralistes est l’une des questions clés, soulignée par le Cercle des tumeurs rares en conclusion de l’étude : « Comment pallier le manque de pratique du médecin généraliste, peu confronté durant sa vie aux tumeurs rares et donc moins en attente que le spécialiste en termes de formation et d’apport de connaissance ? »
* Le Cercle, créé en 2008, rassemble des professionnels de santé, des associations de patients, des industriels, comme Novartis. Il vient d’éditer le premier répertoire national des associations de patients atteints de tumeurs rares, qui sera prochainement disponible gratuitement sur son site : www.cercledestumeursrares.fr
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