« C’EST LA PREMIÈRE puce qui permet de déceler une molécule qui n’est présente qu’à une centaine d’exemplaires et cela, directement dans les prélèvements effectués chez le patient », indique au « Quotidien » Shana Kelley, le chercheur responsable de l’équipe qui a mis au point cette technologie.
L’appareillage développé par l’équipe canadienne comprend une puce de la taille de l’extrémité du doigt et un dispositif d’analyse de la dimension d’un Smartphone. La puce consiste en une plaquette de silicium sur laquelle a été déposé un motif d’or qui établit une série de connexions et de contacts extérieurs. Le motif est recouvert d’une couche de silice isolante percée à intervalles réguliers de trous de 500 nanomètres** (ou cinq dixième de micron) de diamètre qui exposent l’or. Ces ouvertures servent de point d’ancrage pour des microélectrodes créées par électrodéposition et constituées par des filaments de palladium qui s’organisent sous l’aspect d’un relief arborescent dont les branchements varient en taille entre quelques dizaines et quelques centaines de nanomètres. « La réalisation d’électrodes dotées d’une structure à l’échelle nanométrique, accroît considérablement la sensibilité du système et c’est ce qui nous permet de déceler les marqueurs biologiques spécifiques dans les tissus tumoraux », explique Shana Kelley.
Microélectrode nanostructurée.
Pour la détection des biomarqueurs du cancer, des molécules de peptides couplés à des acides nucléiques sont ensuite fixées sur ces microélectrodes, dites nanostructurées. Une seule puce peut être ainsi dotée de plusieurs sondes porteuses de séquences d’acides nucléiques différentes. Le système est conçu de telle façon que les chercheurs peuvent interroger individuellement les différentes sondes afin de déterminer celles qui ont fait l’objet d’une hybridation avec une molécule contenue dans le milieu biologique où la puce a été immergée.
La première maladie étudiée a été le cancer de la prostate, « parce que, précise Shana Kelley, il s’agit d’une pathologie qui nécessite de façon urgente, un meilleur test de dépistage : un test qui permette de discriminer entre les différentes formes de cette maladie qui peuvent nécessiter des traitements distincts ». Pour identifier la nature précise des cancers de la prostate, les chercheurs de Toronto ont utilisé comme sondes des séquences d’acides nucléiques complémentaires de celles des ARN messagers des gènes de fusion caractéristiques de différents types de ce cancer. Testée sur plusieurs lignées cellulaires et sur les prélèvements cliniques de deux patients, la puce a permis de retrouver les gènes de fusion qui correspondent à des cancers dont l’évolution est agressive et de les distinguer des gènes de fusion associés à des formes de la maladie à progression plus lente. Ces résultats ont été confirmés par d’autres méthodes comme le PCR.
À la suggestion du Dr Fei-Fei Liu, de l’Institut du cancer de l’Ontario, les chercheurs de Toronto ont également cherché à appliquer leur méthode à la caractérisation des cancers épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures. « Parce que la chimiothérapie utilisée dans le traitement de ces cancers est potentiellement très toxique, nous cherchons à identifier les patients qui pourraient être traités uniquement par radiation », indique le Dr Liu au « Quotidien ». Dans le but d’établir des distinctions dans l’état des pathologies, l’équipe du Dr Liu a concentré ses efforts sur l’étude des micro-ARN surexprimés dans les cellules cancéreuses par rapport aux cellules épithéliales normales. Cependant, ces micro-ARN sont extrêmement difficiles à détecter par les techniques moléculaires courantes parce qu’ils sont courts, peu abondants et qu’ils ne diffèrent les uns des autres que par un très petit nombre de bases. Là encore, l’équipe de Shana Kelley a montré que l’extrême précision de son système rendait possible l’identification des marqueurs sans qu’il soit nécessaire de les amplifier, et cela en l’espace de moins d’une heure.
Dans la meilleure hypothèse, plusieurs années seront nécessaires avant que la puce puisse être disponible pour le clinicien. Mais, tout comme le Dr Liu, qui y voit un « potentiel considérable », Shana Kelley est convaincue que la sensibilité des microélectrodes nanostructurées en feront des outils de choix pour le diagnostic et l’évaluation non seulement des cancers mais aussi des maladies infectieuses comme celles dues au VIH, au SARM (staphylococcus aureus résistant à la méticilline) et au virus de la grippe H1N1. C’est donc dans cette direction que le travail de son équipe continue.
* Notamment, Angew. Chem. Int. Ed. 2009, 48, 8461-8464, DOI: 10.1002/anie.200902577 et ACS Nano, 2009, 3 (10), pp 3207–3213, DOI : 10.1021/nn900733d.
**1nanomètre=1 millième de micron.
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