" La chirurgie est conservatrice pour 78 % des femmes. Le curage axillaire qui y était quasi systématiquement associé il y a 20 ans ne concerne plus qu'une femme sur quatre. Et parallèlement à la prise en charge multidisciplinaire, la chirurgie du sein est de plus en plus personnalisée ", souligne la Dr Séverine Alran (Hôpital Saint Joseph, Paris) (1) ; soit au total une chirurgie bien plus minimaliste, réalisée en 2018 une fois sur deux en ambulatoire pour les interventions conservatrices.
L'oncoplastie change la donne
" Dans 20-25 % des cas, lors de résections larges, l'exérèse de la tumeur est aujourd'hui systématiquement associée à un remodelage du sein dans le même temps opératoire. Ce geste fait appel à des techniques d'oncoplastie bien définies puisqu'à chaque quadrant correspond une technique dédiée ", souligne la Dr Alran. En pratique on repositionne le mamelon et on remodèle le sein en mobilisant des lambeaux. Cela prévient les déformations et permet de réséquer de larges tumeurs en conservant le sein et le mamelon. " C'est une réelle avancée au niveau esthétique même si l'intervention doit parfois être complétée, dans un second temps, par une re-symétrisation de l'autre sein " (1,2,3).
L'ablation-reconstruction simultanée privilégiée ?
" Dans les tumeurs in situ, l'ablation-reconstruction est classiquement réalisée dans le même temps opératoire. Mais même dans les cancers infiltrants, nous faisons de plus en plus d'ablations-reconstructions simultanées, explique Séverine Alran. Il y a les ablation-reconstructions de "clôture" associées à un protocole de traitement inversé commençant par chimiothérapie, puis radiothérapie, puis ablation-reconstruction, en cours de validation (4). On peut aussi, comme à l'hôpital Saint Joseph, privilégier une séquence chimiothérapie puis ablation/reconstruction par expandeur, puis radiothérapie ". L'expandeur, qui prépare la loge de reconstruction, est remplacé par une prothèse « définitive » dans un second temps. " Mais n’oublions pas qu'après ablation 70 % des femmes ne feront pas de reconstruction chirurgicale pour des raisons multiples (5). Informer sur les voies de reconstruction, avec ou sans chirurgie, est un prérequis important dans nos consultations d’annonce de mastectomie ", souligne la Dr Alran.
Moins de femmes concernées par le curage axillaire
La recherche de ganglion sentinelle concerne 70 % des femmes. Et aujourd'hui, sauf aspect très suspect repéré en amont par le radiologue ou lors de l'intervention, on ne fait plus d'analyse extemporanée. Pourquoi ? Depuis 2014, il n'est plus indiqué de faire un curage axillaire complémentaire si l'on n’a pas plus de deux ganglions positifs et qu'une radiothérapie ou une hormonothérapie sont planifiées. Trois vastes études, aux résultats convergents, ont montré qu'il n'y a pas de perte de chance. Leurs suivis à 10, ans publiés l'an passé, sont venus conforter cette stratégie (6,7). Ainsi, la majeure partie des curages sont désormais préplanifiés, déclenchés par l'imagerie et la ponction préopératoires, confirmant une atteinte métastatique ganglionnaire axillaire.
Et depuis peu, même après chimiothérapie adjuvante, le curage n'est plus systématique. Une étude multicentrique française - GAGNEA 2 - a tout récemment montré que l'on peut faire du ganglion sentinelle après chimiothérapie néoadjuvante chez des patientes initialement N0 (8). Une nouvelle étude, GAGNEA 3, va tester s'il est aussi possible de faire un ganglion sentinelle dans certaines formes N+, sachant que 40 % sont stérilisées par la chimiothérapie néoadjuvante. Affaire à suivre…
D'après un entretien avec le Dr Séverine Alran (Hôpital Saint Joseph, Paris)
(1) MC Strach et al. Crit Rev Oncol Hematol. 2019;134:10-21
(2) A. Fitoussi et al. Emc 04/12/08[41-975] - Doi : 10.1016/S0000-0000(08)48611-4
(3) KB Clough et al. Ann Surg Oncol 2015;22:3504-11.
(4) C Zinzindohoué et al. Ann Surg Oncol 2016; 23:2350-6.
(5) D Héquet et al. SpringerPlus 2013; 2:325.
(6) AE Giuliano et al. JAMA 2017;318:918-926
(7) V Galimberti et al. Lancet Oncol 2018;19:1385-93
(8) JM Classe et al. Breast Cancer Res Treat 2019;173:343-352
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