CHAQUE ANNÉE, en France, 2 200 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chez les enfants, de la naissance à 18 ans. Les cancers pédiatriques les plus fréquents sont les leucémies (29 % des cas), les tumeurs cérébrales (23 %) et les tumeurs embryonnaires. Le taux de guérison actuel, dans les pays industrialisés, est évalué à 80 % contre 30 % dans lesannées 1970.
Pour mieux comprendre l’impact que la maladie a pu avoir sur la qualité de vie des patients aujourd’hui guéris et devenus adultes, la Fondation Pfizer a mené une étude inédite. Entre 2005 et 2010, près de 2 500 personnes* âgées de 20 à 50 ans et atteintes d’un cancer ou d’une leucémie dans leur enfance ou adolescence ont répondu à une série de questions destinées à évaluer les conséquences de la maladie sur leur vie sociale, familiale et professionnelle.
Les premiers résultats sont positifs : ils vont à l’encontre de certaines idées reçues et études similaires publiées dans les pays anglo-saxons. De fait, 58 % des anciens patients interrogés vivent en couple. Si l’on exclut les personnes atteintes de tumeurs cérébrales, ce taux augmente pour atteindre 62 % (contre 61 % au sein de la population générale). Leur accès à la propriété semble globalement conforme à celui de la population générale : 42 % des anciens patients sont propriétaires de leur habitation principale (contre 45 % de la population). Ce taux grimpe même à 44 % une fois exclus les survivants d’une tumeur au cerveau.
Par ailleurs, 622 patients de la cohorte ont affirmé avoir demandé au moins une fois un crédit immobilier, environ 50 % ont prévenu leur banque de leur antécédent. Parmi ceux-ci, entre 60 et 70 % l’ont obtenu sans surcharge.
Autre résultat surprenant : 17 % des anciens patients sont classés dans la catégorie « cadres supérieurs et dirigeants d’entreprises », contre 12 % pour l’ensemble de la population française. L’étude révèle également que les survivants d’un cancer de l’enfant obtiennent plus fréquemment leur baccalauréat et font plus d’études supérieures que la population générale : 56 % contre53 %.
Des constats à nuancer
Toutefois, pour le Pr Claude Griscelli, président de la Fondation Pfizer, « il faut, relativiser ces résultats et prendre en considération l’éventuel effet psychologique du cancer chez les sujets qui ont participé à cette cohorte. En effet, ils ont survécu à la maladie et sont ainsi plus combatifs et ambitieux pour leur vie professionnelle et privée. »
De même, si cette étude est encourageante, elle ne prend pas en compte les 25 % de patients sollicités qui n’ont pas répondu au questionnaire et dont la situation sociale et affective est sûrement moins bonne que celle des patients qui y ont répondu. Le Pr François Doz, directeur délégué pour la recherche clinique et l’enseignement à l’Institut Curie et membre du conseil scientifique de la Fondation Pfizer, nuance également les constats issus de cette cohorte : « L’intégration psychosociale réelle des anciens patients atteints de cancers se discute individuellement. En outre, il faut souligner la situation souvent plus difficile de ceux qui ont été atteints de tumeurs cérébrales durant leur enfance. Ceux-là, souffrent souvent de séquelles liées à leurs traitements et à leur maladie. »
Autre point important : les résultats de l’étude ne concernent que le devenir social, professionnel et psychologique des survivants d’un cancer de l’enfant. Leur devenir médical n’est pas pris en compte. Or celui-ci est très inquiétant : la mortalité des anciens patients est de 4 à 7 fois supérieur à celle de la population générale jusqu’à l’âge de 50 ans au moins. Et 45 % des survivants de la cohorte développent au moins un cancer secondaire avant l’âge de 55 ans.
Enfin, si la prise en charge des enfants atteints de cancers s’est nettement améliorée depuis les années 1970, celle des adolescents n’est pas optimale. « Les médecins généralistes et spécialistes doivent adapter leur suivi aux besoins spécifiques des adolescents souffrant d’un cancer. Aujourd’hui, faute de prise en charge adéquate, d’anciens adolescents – devenus adultes – consultent encore leur pédiatre spécialisé en cancérologie », déplore le Pr Danièle Sommelet, présidente de la Société française de lutte contre les cancers et leucémies de l’enfant et de l’adolescent (SFCE) et membre du conseil scientifique de la Fondation. Espérons que le deuxième volet de cette étude de cohorte « cancers et leucémies », qui sera axé sur le transfert de prise en charge de l’enfant devenu adolescent, puis adulte, pourra contribuer à améliorer la situation.
* L’étude de cohorte a été menée, sur la demande de la Fondation Pfizer, par le Pr Florent de Vathaire, directeur de recherche à l’INSERM, et le Pr Danièle Sommelet, membre du conseil scientifique de la Fondation. 75 % des personnes sollicitées ont retourné un autoquestionnaire, soit 2 490 anciens patients sur 3 324 patients ciblés.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024