Vers une prophylaxie antithrombotique allégée dans le cancer

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Publié le 09/05/2025
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Pour éviter les évènements thromboemboliques veineux chez les patients pris en charge en oncologie, une demi-dose d’anticoagulants pourrait suffire. C’est ce que suggère une étude parue en ce début de printemps dans le New England Journal of Medicine.

Les évènements thromboemboliques, thromboses veineuses profondes et embolies pulmonaires, demeurent fréquents chez les patients pris en charge en oncologie. Ils restent la deuxième cause de décès chez les patients atteints de cancer, après le cancer lui-même.

Une prophylaxie est recommandée en prévention secondaire chez les patients atteints de cancer ayant déjà manifesté une complication thromboembolique, tant que le cancer reste actif ou que le traitement du cancer est en cours, pendant six mois au minimum.

Pour rappel, voilà vingt ans que l’essai Clot a montré, en cas de thrombose liée à un cancer, l’intérêt d’un traitement anticoagulant par héparine de bas poids moléculaire pendant six mois. Depuis, les anticoagulants oraux direct (AOD) ont été adoptés dans cette indication. Et diverses études ont confirmé que le risque de récidive de thromboembolie perdurait au-delà de six mois, justifiant un traitement plus prolongé.

Améliorer la balance bénéfices-risques du traitement à long terme

Mais le traitement reste associé à un risque élevé d’effets indésirables hémorragiques. D’où des interrogations concernant la dose d’AOD à utiliser pour améliorer le rapport bénéfices-risques de cette prévention secondaire, en particulier à long terme. Une équipe de chercheurs français, européens et nord-américains, coordonnée par l’AP-HP a tenté de répondre par un essai clinique de non-infériorité, l’essai API-CAT (1).

Dans ce cadre, 1 766 patients atteints de cancer actif, métastatique dans 66 % des cas, de 67 ans en moyenne, ont été recrutés à une durée médiane de 8 mois après une embolie pulmonaire ou une thrombose veineuse profonde. Tous et toutes, l’essai ayant inclus 57 % de femmes, avaient déjà reçu un traitement anticoagulant pendant au moins 6 mois. Ces participants ont été randomisés pour recevoir, pendant un an supplémentaire, deux doses quotidiennes d’apixaban, soit de 2,5 mg (dose réduite), soit de 5 mg (dose complète, recommandée actuellement).

Le critère primaire composite concernait les récidives de thromboembolies, fatales ou non ; les hémorragies cliniquement significatives constituaient le critère de sécurité.

Non-infériorité en termes d’efficacité…

Résultats, la demi-dose d’apixaban fait aussi bien que la dose complète habituelle de médicament pour prévenir les récidives d’évènements thromboemboliques chez les patients atteints de cancer. Une incidence cumulée de 2,1 % de récidives a été enregistrée parmi les patients traités par la demi-dose d’apixaban, contre 2,8 % dans le bras témoin, de 2,8 %, des chiffres non inférieurs.

… Supériorité en termes de sécurité

En termes de sécurité, la demi-dose d’apixaban se révèle en revanche meilleure que la dose complète : le risque d’effet indésirable hémorragique est de 25 % inférieur avec une dose moindre d’AOD : seuls 12,1 % des patients traités par la demi-dose ont développé une hémorragie cliniquement significative, contre 15,6 % de ceux traités par dose complète.

« Nous pouvons affirmer que la dose réduite d’apixaban est à la fois aussi efficace et plus sûre que la dose pleine », conclut la Pr Isabelle Mahé, cheffe du service de médecine interne de l’hôpital Louis-Mourier (AP-HP), et Université Paris Cité. « Ces résultats devraient conduire à une mise à jour des recommandations internationales, concernant un traitement prolongé chez les patients atteints d’un cancer actif qui ont déjà reçu un traitement anticoagulant pendant au moins six mois pour le traitement d’un événement TEV, en faveur d’un anticoagulant à dose réduite. »

À noter que dans l’étude, la mortalité apparaissait similaire dans les deux groupes, avec un taux de mortalité à 12 mois de 17, 7 % parmi les participants du groupe interventionnel, et de 19,6 % chez ceux du bras contrôle.

(1) Mahé I et al. Extended Reduced-Dose Apixaban for Cancer-Associated Venous Thromboembolism. New England Journal of Medicine. N Engl J Med 2025;392:1363-73. Published March 29, 2025.

Irène Lacamp

Source : lequotidiendumedecin.fr