Toutes deux publiées dans The New England Journal of Medicine (NEJM), les études Reduce-AMI et Abyss se sont attelées à évaluer l’intérêt des bêtabloquants en traitement de longue durée après un infarctus du myocarde (IDM) chez des patients avec fraction d’éjection préservée (FEVG). Si les bénéfices des bêtabloquants ont été montrés chez les patients ayant fait un IDM étendu ou chez les patients à FEVG inférieure à 40 %, ces deux essais indiquent qu’ils ne seraient pas aussi utiles lorsque la FEVG est préservée pour réduire le risque de décès ou de nouvel IDM.
C’est ce qu’a démontré l’essai Reduce-AMI (1) chez des patients dont la FEVG était supérieure à 50 % en comparant un groupe traité par bêtabloquants (métoprolol ou bisoprolol) à un autre n’en prenant pas. Dans le groupe bêtabloquants, 7,9 % des patients sont décédés ou ont fait un nouvel IDM contre 8,3 % dans le groupe sans bêtabloquants. Concernant la sécurité, les groupes avec et sans bêtabloquants ont présenté respectivement 3,4 et 3,2 % d’événements indésirables. Chez les patients suivis à un an, l'incidence et la sévérité des symptômes étaient similaires dans les deux groupes. À l’issue des résultats de Reduce-AMI, une question restait encore en suspens concernant les patients avec une FEVG comprise entre 40 et 49 % pour lesquels des essais sont en cours.
Un arrêt envisageable des bêtabloquants
C’est ainsi que l’étude Abyss (2), signée par le groupe Action de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), est venue donner quelques éléments de réponse supplémentaires. Ce travail s’est penché sur l’intérêt d’un traitement au long cours par bêtabloquants après un IDM chez les patients à FEVG d’au moins 40 % et a conclu à l’absence de non-infériorité de l’arrêt comparé à la poursuite des bêtabloquants. Abyss avait la particularité d’évaluer aussi des bêtabloquants non sélectifs, quand Reduce-AMI ne s’est intéressée qu’à des bêtabloquants sélectifs des récepteurs B1. Concernant le critère principal composite (risque de décès, d’IDM non fatal, d’accident vasculaire non fatal ou d’hospitalisation pour motif cardiovasculaire), les auteurs retrouvent 23,8 % d’événements dans le groupe interruption contre 21,1 % dans le groupe poursuite. Devant l’absence de non-infériorité, les auteurs d’Abyss ont indiqué que les résultats sont à rapprocher de ceux de Reduce-AMI. Pour Abyss comme pour Reduce-AMI, continuer les bêtabloquants oraux initiés pendant la phase aiguë de l'IDM n'entraînait pas un risque plus faible de décès ou de nouvel IDM.
Pour le Dr Florian Zores, cardiologue, interrogé par Le Quotidien, il y a fort à parier que les recommandations européennes prennent ces données en compte pour l’indication des bêtabloquants chez les patients à FEVG préservée. Selon lui, comme pour le Pr Tomas Jernberg qui a signé l’éditorial, les résultats d’Abyss ne découragent pas de tenter l’arrêt des bêtabloquants après un IDM, hors situations complexes. Tous deux se rejoignent sur le fait que le profil acceptable de tolérance de cette classe médicamenteuse ne doit pas être le seul argument pour les prescrire au long cours chez tous les patients après un IDM. D’autres résultats sont attendus pour continuer à préciser la place des bêtabloquants au long cours après un IDM à FEVG préservée avec les essais Reboot et Betani-Danblock ainsi que d’autres uniquement dédiés aux FEVG comprises entre 40 et 49 %.
(1) Yndigegn T et al. NEJM 2024.
DOI : 10.1056/NEJMoa2401479
(2) Silvain J et al. NEJM 2024.
DOI : 10.1056/NEJMoa2404204
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024