Arythmie : une équipe française veut utiliser l’IA pour éviter les morts subites

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Publié le 01/04/2025
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Il pourrait bientôt être possible, grâce à l’intelligence artificielle (IA), de repérer les patients à risque d’arrêt cardiaque par arythmie jusqu’à deux semaines avant qu’un événement n’arrive. Une équipe parisienne vient de démontrer, lors d’une étude rétrospective, que la lecture d’un électrocardiogramme par une IA permettait d’identifier les patients les plus à risque.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Un nouveau modèle d’intelligence artificiel (IA) français, capable de prédire le risque à court terme de mort subite par arythmie, vient de passer une étape cruciale, en obtenant de bons résultats sur une cohorte rétrospective de patients.

Les chercheurs de l’université Paris Cité et de l’AP-HP, en association avec des cardiologues américains et indiens, ont utilisé un réseau de neurones artificiels mis au point et entraîné par l’entreprise Cardiologs (appartenant au groupe Philips). Ils ont analysé les données de plus de 240 000 électrocardiogrammes ambulatoires réalisés entre 2019 et 2024 dans 6 pays (États-Unis, France, Royaume-Uni, Afrique du Sud, Inde et République tchèque). Pour chaque patient inclus dans l’étude, les auteurs disposaient aussi d’un suivi clinique post ECG d’au moins 14 jours.

« Nous nous sommes rendu compte qu’il était possible d’identifier, sur l’analyse de leur signal électrique pendant 24 heures, les sujets susceptibles de développer une arythmie cardiaque grave dans les deux semaines qui suivent. Ce type d’arythmie, s’il n’est pas pris en charge, peut évoluer vers un arrêt cardiaque fatal », explique le Dr Laurent Fiorina, premier auteur de l’étude, chercheur au sein du laboratoire Paris – Centre de recherche cardiovasculaire (Inserm/Université Paris Cité), cardiologue à l’Institut cardiovasculaire Paris Sud et directeur médical en charge de l’intelligence artificielle chez Philips.

Dans ce travail, les auteurs ont assemblé un set de validation interne (c’est-à-dire un ensemble de données de patients utilisées pour l’apprentissage du modèle) et un set de validation externe (données non utilisées pour l’apprentissage du modèle). L’IA devait, au sein de ces deux cohortes, identifier les patients à risque de faire une arythmie grave pouvant provoquer un arrêt cardiaque dans les deux semaines.

Une sensibilité à 90 % pour les cas les plus graves

L’intelligence artificielle était entraînée à reconnaître des signaux faibles difficilement appréciables par un opérateur humain. En particulier, elle devait mesurer le temps nécessaire à la stimulation électrique et à la relaxation des ventricules cardiaques pendant un cycle complet de contraction et de relaxation.

Selon des données publiées dans le European Heart Journal, le test permettait de prédire la survenue d’un nouvel épisode d’arythmie avec une sensibilité de 70,6 % et de 66,1 %, respectivement dans les sets de validation interne et externe. Les épisodes d’arythmie considérés comme à risque d’arrêt cardiaque (définis par un rythme supérieur ou égale à 180 battements par minute) étaient prédits avec une sensibilité de 80,7 % et 81,1 %. Enfin, les arythmies ventriculaires qui ont évolué en fibrillation ventriculaire étaient identifiées avec une sensibilité de 90 % dans les deux cohortes. Le modèle a identifié les patients sans risque dans 99,9 % des cas.

Dans le futur, cet algorithme pourrait servir à surveiller les patients à risque à l’hôpital. À condition de l’affiner, ce modèle pourrait aussi être intégré à des dispositifs comme les holters ambulatoires qui mesurent la pression artérielle pour mettre en évidence les risques d’hypertension, voire à des montres connectées. Un essai clinique est prévu pour évaluer de manière prospective son intérêt en conditions réelles.

« Ce que nous proposons ici, c’est un changement de paradigme dans la prévention de la mort subite, commente avec enthousiasme le Pr Eloi Marijon, directeur de recherche à l’Inserm au sein du laboratoire Paris – Centre de recherche cardiovasculaire (Inserm/Université Paris Cité), professeur de cardiologie à l’Université Paris Cité et chef du service de cardiologie à l’hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP. Jusqu’à présent, nous essayions d’identifier les patients à risque sur le moyen et long termes, mais nous étions incapables de prédire ce qui pouvait se passer dans les minutes, les heures ou les jours précédant un arrêt cardiaque. Aujourd’hui, grâce à l’intelligence artificielle, nous sommes capables de prédire ces événements à très court terme et, potentiellement, d’agir avant qu’il ne soit trop tard. »


Source : lequotidiendumedecin.fr