Quelles relations physiopathologiques entre pathologies CV et SAOS ?
Les troubles respiratoires du sommeil entraînent une hypoxie. Celle-ci provoque une hyperactivité sympathique pouvant expliquer l’hypertension artérielle (HTA) et parfois la résistance à son traitement. L'hypoxie et l'hyperactivité sympathique sont susceptibles d’aggraver ou de générer une maladie CV (MCV), ainsi que de déclencher des troubles du rythme. Inversement, les SAOS peuvent résulter de pathologies CV. En effet, les anomalies respiratoires et hémodynamiques liées à l’insuffisance cardiaque (IC) peuvent rendre compte de certaines formes d’apnées, notamment centrales. Ces interactions sont d’autant plus complexes que SAOS et MCV ont des facteurs de risque commun (obésité, BPCO), avec une spirale auto-entretenue de tous ces éléments.
Quand rechercher des troubles respiratoires du sommeil ?
Environ 40 % des insuffisants cardiaques, 30 % des coronariens, 20 % de cas de troubles du rythme et 50 % des hypertendus ont des troubles respiratoires du sommeil, avec une prévalence qui augmente lorsque l’HTA est sévère ou résistante. En somme, pratiquement tous les patients de cardiologie ont potentiellement des troubles respiratoires du sommeil ! Les apnées centrales sont plus fréquentes dans l’IC que dans l’HTA ou chez le coronarien.
Actuellement, on les dépiste encore trop tard, souvent devant une HTA ou une fibrillation atriale résistantes aux traitements. Toute la difficulté est que la symptomatologie classiquement associée aux SAOS est parfois manquante ou non spécifique. Ainsi, les signes classiques (ronflement, sueurs nocturnes, somnolence diurne, asthénie) sont parfois absents ou confondus avec une pathologie CV. On n’évoque pas forcément un SAOS chez un insuffisant cardiaque qui se plaint de dyspnée ou de fatigue !
Quelles explorations proposer ?
Les questionnaires type Epworth, Berlin, Stop-Bang ne sont pas toujours parlants si la symptomatologie est pauvre ou non spécifique. On peut demander des enregistrements par polygraphie respiratoire ambulatoire (à laquelle de plus en plus de cardiologues sont formés) ou par polysomnographie, un peu plus complexe et nécessitant souvent une hospitalisation pour la nuit. D’autres données indirectes peuvent faire suspecter des troubles du sommeil, via les algorithmes embarqués équipant certains pacemakers (avec les paramètres RDI [Respiratory Disturbance Index]), ou lorsque le HOLTER ou la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) révèlent une arythmie ou une HTA nocturnes. Les dispositifs connectés, utilisés de plus en plus par les patients, n’ont pas la fiabilité des explorations classiques mais ont au moins le mérite d’attirer l’attention.
Quelles alternatives thérapeutiques ?
Il est possible d’améliorer l’hygiène de vie, qui peut avoir un impact majeur sur le sommeil (perte de poids, activité physique, limitation de l’alcool et des hypnotiques) ; de proposer un traitement adapté au type de trouble respiratoire (orthèse d’avancée mandibulaire ou Pression positive continue [PPC]) et de prendre en charge des MCV (le traitement de l’IC faisant régresser les apnées centrales).
Il n’y a pas véritablement de contre-indications à la PPC chez les patients atteints de MCV, en dehors de la ventilation auto-asservie pour la prise en charge des apnées centrales chez l’insuffisant cardiaque à fraction d'éjection altérée, car associée à une surmortalité dans l’étude SERVE-HF.
Quel impact du traitement du SAOS sur les MCV ?
Les résultats sont jusqu’ici décevants. Dans l’HTA, la baisse tensionnelle est relativement modeste, de 4 à 5 mmHg, et très dépendante de l’observance. Il n’a jamais été prouvé que la prise en charge respiratoire permettait de réduire la morbimortalité CV. Il existe également une discordance entre les données (physiopathologiques, observationnelles ou épidémiologiques), qui montrent que les troubles respiratoires du sommeil exposent à un risque élevé de complications CV, et les essais d’intervention thérapeutiques, qui échouent à montrer un bénéfice CV.
Par la prise en charge des troubles respiratoires du sommeil, traite-t-on une conséquence, une cause ou une association ? Ainsi, les SAOS provoquent une hypercapnie et une hypoxie qui constituent une « gâchette » essentielle pour la reprise ventilatoire. Si on neutralise une apnée centrale, ne supprime-t-on pas un mécanisme de défense, ce qui expliquerait l’absence de bénéfice ?
Il est vraisemblable qu’il faille dépasser la classification simpliste des SAOS en modérée ou sévère. Il serait nécessaire de les phénotyper afin de proposer un traitement plus adapté à chaque type. Les big datas pourraient nous permettre une approche plus précise des troubles respiratoires du sommeil.
* Vice-président de la SFHTA, président de l’European Society for Patient Care
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