Des liens entre l’infection à SARS-Cov-2, la gravité du tableau clinique et la présence de facteurs de risque ou d’antécédents cardiovasculaires ont été décrits. Ainsi, des antécédents d’hypertension artérielle (HTA), de pathologie cérébro-cardiovasculaire et de diabète sont retrouvés dans respectivement 17,1 %, 16,4 % et 9,7 % des cas de Covid-19 dans une méta-analyse de 1 527 patients (1). Ces antécédents cardiovasculaires et métaboliques étaient 2 à 3 fois plus fréquents chez les patients sévères hospitalisés en réanimation.
Par ailleurs, l’atteinte cardiaque concernerait 7 à 29 % des patients, selon les séries et la définition utilisée pour la caractériser (élévation de la troponine et/ou des peptides natriurétiques). Alors que les premières publications ne rapportaient aucune donnée biologique ou d’imagerie sur l’atteinte cardiaque (2,3), les études suivantes ont pu mettre en évidence une élévation des marqueurs biologiques de souffrance myocardique. En effet, une augmentation de la troponine était retrouvée dans environ 10 à 12 % des cas, avec une nette prédominance chez les patients gravement touchés : 4 % parmi les cas simples contre 31 % des cas en réanimation (4). Le NT-proBNP était également élevé chez 10 à 30 % des patients (cas graves en réanimation) (5).
Davantage de décès en cas de troponine élevée
Deux articles chinois se sont intéressés au lien entre l’atteinte cardiaque du SARS-Cov2 et son pronostic (10-11). Dans leurs séries respectives de 416 et 187 patients Covid19 confirmés par Rt-PCR, les études rapportent une élévation de troponine dans 19,7 % et 27,8 % des cas (6, 7). Ces deux équipes montrent une mortalité significativement plus élevée dans le groupe de patients avec élévation de la troponinémie : 51,2 vs 4,5 % (6) et 59,6 vs 8,9 % (7). Bien qu’une augmentation de troponine isolée sans pathologie cardiovasculaire soit associée à une mortalité considérable (37,5 %), celle-ci était plus importante chez les patients avec élévation de troponine et pathologie cardiovasculaire connue (69,4 %).
Quelles que soient les études, les patients à risque d’atteinte cardiaques étaient plus âgés, avec davantage d’HTA, de pathologie coronaire, d’insuffisance cardiaque (IC) et de diabète. Ils présentaient des signes biologiques de syndrome inflammatoire plus marqué (CRP, PCT et leucocytes plus élevés). Ces patients étaient aussi davantage à risque de mauvaise évolution, notamment vers le syndrome de détresse respiratoire aiguë, nécessitant des soins intensifs ou une ventilation mécanique.
Distinguer une possible myocardite aiguë
Les mécanismes à l’origine de ces élévations de troponine et de l’atteinte cardiaque sont probablement multiples et variables en fonction des présentations cliniques, de leur gravité et des antécédents des patients. Le virus pourrait pénétrer dans les cellules cardiaques après liaison à une protéine membranaire lui servant de récepteur fonctionnel à la cellule hôte : l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2. Cependant, une atteinte myocardite directe par le virus ne semble pas être l’élément déterminant. Une association significative entre l’élévation de la troponine et celles de la CRP et du Nt-proBNP a été mise en évidence, laissant supposer une part inflammatoire à ces souffrances cardiaques (7). Comme avec les autres coronavirus, l’infection à SARS-Cov-2 peut être à l’origine d’un relargage massif de cytokines pro-inflammatoires qui peuvent entraîner une inflammation de la paroi vasculaire (8). Celle-ci peut être source d’une véritable instabilité, voire d’une rupture de plaque (infarctus de type 1) mais peut aussi être responsable d’une hypoxie tissulaire sans rupture de plaque, à l’origine d’une souffrance myocardique (infarctus de type 2). Par ailleurs, il peut exister une véritable inflammation myocardique à l’origine d’une myocardite aiguë, secondaire à l’orage cytokinique ou à une atteinte directe du myocarde par le virus lui-même (8). Devant un tableau évocateur clinique et électrocardiographique, une exploration coronaire permettra facilement de mettre en évidence ou d’éliminer un infarctus de type 1. Cependant, il est difficile de distinguer une souffrance de type 2 (liée par exemple à une hypotension ou une hypoxie, mais sans atteinte virale directe) et une atteinte inflammatoire du myocarde, avec ou sans atteinte directe virale (9). À ce jour, aucune mise en évidence directe du virus dans le myocarde n’aurait été rapportée.
Dans le contexte de pandémie à Covid19, de véritables tableaux de myocardite aiguë inflammatoire, ou par atteinte virale directe, sont possibles (10-11). Ils pourraient modifier l’histoire naturelle et le pronostic des patients, justifiant ainsi un diagnostic et une prise en charge dédiés.
Devant un tableau d’IC aiguë de novo associée au Covid-19, une myocardite aiguë fulminante doit être évoquée devant un choc cardiogénique et différencier des exceptionnels syndromes de Tako-Tsubo secondaires à l’atteinte virale (12) ou d’un cœur pulmonaire aigu post-embolique. L’échocardiographie reste alors l’examen clé, associée si possible, après amélioration du statut clinique, à une IRM cardiaque. Dans certains cas, une biopsie myocardique avec recherche virale par Rt-PCR doit être discutée.
CHU de Toulouse
(1) Wang.D et al. JAMA. 2020;323(11):1061-1069.
(2) Guan.W et al. N Engl J Med 2020; 382:1708-1720
(3) Xu.XW et al. BMJ. 2020 Feb 19;368:m606
(4) Huang.C et al. Lancet 2020; 395: 497–506
(5) Chen-Chen et al. Herz 2020 May;45(3):230-232.
(6) Shi S et al. JAMA Cardiol. March 25, 2020.
(7) Guo T et al. JAMA Cardiol March 27, 2020.
(8) Zheng YY et al. Nat Rev Cardiol. 2020 May;17(5):259-260.
(9) Thygesen K. Eur Heart J 2019
(10) Hu.H et al. Eur Heart J 2020
(11) Inciardi.RM et al. JAMA Cardiol. 2020 Mar 27.
(12) Meyer P et al. Eur Heart J 2020 Apr 14.
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