Les infarctus du myocarde survenant en période postopératoire se manifestent souvent uniquement par une troponine élevée. Ils se distinguent ainsi des infarctus du myocarde survenant dans le contexte médical qui se définissent par une élévation de la troponine associée soit à des signes électriques, soit à des signes cliniques ischémiques, soit à des signes d’imagerie. La notion de dommage myocardique après chirurgie non cardiaque (MINS : myocardial injury after non cardiac surgery) est donc plus adaptée à cette période péri-opératoire. Elle concerne tous les patients qui présentent un pic de troponine T en postopératoire supérieur à 0,03 ng/ml, d’origine ischémique, excluant les origines non ischémiques telles que l’embolie pulmonaire, le sepsis, ou les cardioversions.
Les MINS sont fréquents. Dans l’étude VISION (1) incluant 15 000 patients opérés, 8 % ont présenté un MINS, survenu dans les 48 premières heures dans 87 % de cas ; 84 % des patients avec un MINS n’avaient aucun signe clinique ischémique, 65 % aucun signe électrique. Ces données montrent donc qu’un seul dosage systématique de troponine dans les 48 premières heures postopératoires permet de diagnostiquer le MINS.
Un risque majoré de décès
Dans l’étude VISION, la mortalité à J30 postopératoire était de 9,8 % versus 1,1 % pour les patients sans élévation de troponine. Elle était plus élevée chez patients avec des signes d’ischémie: 13,5 % versus 7,5 % en l’absence de signes d’ischémie.
Dans l’étude Cardiac Health After Surgery (CHASE) incluant 2 230 patients de plus de 60 ans qui ont eu une chirurgie à risque intermédiaire ou élevée (2), 19 % des patients présentaient un dommage myocardique (défini dans cette étude par une troponine I postopératoire› 0,06 µg/L). L’augmentation modérée de troponine entre 0,07 et 0,6 µg/L correspondait à un risque de mortalité à J30 multiplié par trois, une augmentation› 0,6 µg/L à un risque de mortalité à J30 multiplié par 7,9.
Les principaux facteurs de risque de MINS sont l’âge, les antécédents cardiovasculaires (artériopathies des membres inférieurs, coronaropathies), les facteurs de risque cardiovasculaires (diabète, insuffisance rénale, insuffisance cardiaque) et la chirurgie urgente.
Le traitement des dommages myocardiques n’est pas totalement évalué (3). Une étude randomisée sur un très faible collectif de patients (n = 35X2) n’a pas montré de bénéfice d’une prise en charge postopératoire par un cardiologue (4.) Cependant dans cette étude, moins de 1 patient sur 6 a bénéficié d’un traitement par bêtabloquant ou statine, et aucune angiographie n’a été réalisée. A contrario, une étude rétrospective a montré un bénéfice net sur la mortalité (survie X3) chez les patients ayant un traitement coronarien optimisé après avoir développé un MINS, (association d’une statine, d’un bêtabloquant, d’aspirine et d’un IEC [5]). Toutefois, cette étude a été réalisée chez des patients de chirurgie vasculaire, qui ont par définition une athérosclérose ubiquitaire et probablement une coronaropathie nécessitant de facto un tel traitement. Il n’est pas sûr que ce traitement soit efficace en dehors de la chirurgie vasculaire.
Une étude en cours, MANAGE, évalue l’effet d’un traitement anticoagulant par le dabigatran en postopératoire chez des patients ayant présenté un dommage myocardique (MINS).
Dans tous les cas une élévation de troponine postopératoire, impose une stratégie à court terme permettant de restaurer la balance en oxygène (traitement de l’hypo ou hyper-tension, de la tachycardie, transfusion en cas d’anémie, réchauffement du patient, correction de la désaturation artérielle…).
Une population à risque
L’élévation de troponine asymptomatique qui caractérise le dommage myocardique pourrait témoigner d’une fragilité myocardique conduisant ainsi à isoler une population à risque cardiaque qui pourrait bénéficier d’un suivi et d’une évaluation cardiologique à distance. C’est probablement l’absence de suivi de ces patients à risque qui engendre en partie la surmortalité constatée dans cette population. Il apparaît alors logique de leur proposer un traitement préventif (statine et aspirine), qui demande à être évalué par des essais randomisés, et un rendez-vous chez un cardiologue au décours de l’hospitalisation pour une évaluation de la cardiopathie et de la coronaropathie potentielle, et une réévaluation du traitement médical.
Les stratégies de prise en charge des patients présentant un dommage myocardique devront donc être précisées dans les années à venir
(1) Devereaux PJ et al. JAMA 2012;307:2295-304
(2) van Waes JA et al. Circulation 2013;127:2264-71
(3) Nathoe HM et al. Anesth Analg 2014;119:1014-6
(4) Chong CP et al. Injury 2012;43:1193-8
(5) Foucrier A et al. Anesth Analg 2014;119:1053-63
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