LES RÉSULTATS très élégants présentés par Karima Kissa et Philippe Herbomel (unité Macrophages et développement de l’immunité, CNRS RA2578 à l’institut Pasteur) sont qualifiés par les chercheurs de « très fondamentaux ». Mais ils laissent penser que, s’ils sont confirmés chez les humains, ils peuvent donner l’espoir de traiter les patients dont les cellules souches doivent être remplacées après un traitement myéloablatif, notamment dans le cas de leucémies, pour reconstituer des systèmes immunitaires et sanguins à partir d’artères du patient. Il serait alors possible de s’affranchir de la recherche de donneurs compatibles et des traitements anti-rejet à vie pour faire tolérer les greffons.
Un poisson qui vient du Gange.
Dans l’étude, Karima Kissa et Philippe Herbomel ont utilisé une technique d’imagerie à haute résolution permettant de suivre en temps réel l’évolution de l’aorte pendant l’embryogenèse du poisson zèbre. Ce petit poisson tropical (2 à 3 cm de long) qui vient du Gange, est un modèle d’étude à la mode, car il possède une propriété très intéressante pour les chercheurs, qui est d’être transparent, dépourvu de pigmentation au départ. Sur des poissons zèbres transgéniques dont les vaisseaux sont fluorescents (protéine GFP), les chercheurs ont assisté en direct à toutes les étapes qui président à la naissance des cellules souches hématopoïétiques. Les observations montrent que certaines cellules endothéliales qui forment l’aorte se courbent, s’arrondissent puis se referment sur elles-mêmes pour finalement s’individualiser et se détacher, le vaisseau pour sa part se refermant sur lui-même.
Cette observation « apporte une réponse à la question de leur origine qui faisait débat depuis plusieurs décennies » affirme Karima Kissa. Deux hypothèses étaient en lice. L’une postulait que des cellules du mésoderme s’individualisaient très tôt pour donner d’un côté les vaisseaux et de l’autre les cellules sanguines. L’autre que le mésoderme donne lieu aux vaisseaux et qu’à partir de l’aorte en particulier, des cellules vont « délaminer » (comme l’écorce d’un arbre) et donner les cellules souches hématopoïétiques, qui donneront par la suite les trois lignées de cellules sanguines. C’est donc cette hypothèse qui semble se confirmer.
Chez le poisson zèbre, les chercheurs ont suivi en direct les phénomènes pendant plusieurs heures et observé que l’individualisation des cellules souches hématopoïétiques à partir de l’aorte se produit dans une région de l’embryon nommée « AGM », située au niveau de l’aorte dorsale proche de la veine équivalente à la veine cave humaine. Dans la région AGM, après s’être individualisée, la cellule va se diviser, coloniser les organes hématopoïétiques ultérieurs, comme le plexus caudal du poisson et le rein (ce qui n’est pas le cas comme on le sait chez l’humain).
Probabilité forte chez les humains.
Maintenant que ce phénomène a été observé, il reste encore tout un travail d’identification des facteurs de cette « dédifférenciation » (de la cellule aortique à la cellule souche hématopoïétique) à réaliser. On sait qu’il existe un équivalent de la région AGM chez les poulets et chez les mammifères (souris et humains) au stade embryonnaire.
Comme il existe une conservation très forte des gènes entre les poissons et les humains, avec de nombreux caractères communs, explique Karima Kissa, la probabilité que les cellules souches hématopoïétiques soient générées à partir de l’aorte chez les humains est forte.
Toutefois, pour envisager des applications chez l’homme, en prenant par exemple des cellules artérielles et en les mettant en présence des facteurs trophiques adéquats pour obtenir des cellules souches hématopoïétiques, il est nécessaire auparavant de vérifier l’existence des différentes étapes, expérimentalement et chez les humains.
Puis de vérifier que l’on peut reproduire le processus à partir de biopsies d’artères chez des organismes développés.
Nature, en ligne le 14 février 2010.
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