Depuis plusieurs années, des études suggèrent que les violences, en particulier subies dans l’enfance, pourraient entraîner des conséquences délétères sur la santé cardiométabolique à long terme – notamment en favorisant l’athérosclérose et ses facteurs de risque (obésité, hypertension, diabète). Un rationnel physiopathologique se dégage : les violences pourraient affecter la santé cardiovasculaire notamment via une activation excessive de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et du système immunitaire.
Cependant, la littérature reste parcellaire. Les données disponibles à l’heure actuelle ne concernent qu’un spectre très restreint de maladies cardiovasculaires, et ont été obtenues dans des cohortes relativement réduites. De plus, peu de travaux se sont penchés sur les conséquences des violences subies à l’âge adulte.
Une étude de cohorte prospective a été conduite afin « d’examiner les relations (…) entre violences subies dans l’enfance et à l’âge adulte, et l’incidence globale des maladies cardiovasculaires », expliquent les auteurs (1). L’incidence de 13 pathologies cardiovasculaires a été précisée : maladie coronarienne, AVC ischémique ou hémorragique, AOMI, rhumatisme articulaire aigu, myocardite, péricardite, endocardites, insuffisance cardiaque, thromboembolie veineuse, arythmies, anévrisme aortique et valvulopathies non rhumatismales.
Cohorte prospective à plus de 136 000 participants
Les auteurs ont recouru à la cohorte prospective United Kingdom Biobank (UKB) –--qui regroupe plus de 500 000 individus recrutés en Angleterre, Écosse et Pays-de-Galle, entre 2006 et 2010. Les données de 136 073 participants (dont 58 % de femmes) qui ont accepté de répondre à un questionnaire sur les violences subies au cours de leur vie (abus physiques, émotionnels, sexuels, négligence affective ou physique avant ou après 16 ans) ont été analysées. Ils étaient âgés de 40 à 69 ans et sans maladie cardiovasculaire lors de leur inclusion.
Ces participants ont été classés en quatre groupes – pas de violence, violences uniquement dans l’enfance, uniquement à l’âge adulte, dans l’enfance et à l’âge adulte – et suivis pendant une durée médiane de 11,8 ans. Le critère de jugement principal concernait l’incidence des évènements cardiovasculaires. L’incidence des décès de cause cardiovasculaire et des 13 pathologies d’intérêt a aussi été recherchée. Les participants ont également été questionnés sur leurs habitudes de vie.
Effet amplificateur des violences à l’âge adulte sur les violences subies dans l’enfance
La prévalence des violences était élevée, 15,5 % de l’effectif rapportant avoir subi des violences dans son enfance, 23 % à l’âge adulte, et 30,5 % aux deux périodes. Seuls un tiers étaient indemnes.
Le fait d’avoir vécu des violences s’est révélé associé à un risque accru de maladie cardiovasculaire. Parmi les participants ayant rapporté des violences à l’âge adulte, l’incidence des maladies cardiovasculaires était augmentée de 4 % par rapport à ceux déclarant n’avoir jamais subi de violences (HR--= 1,04). Ce chiffre atteignait 11 % (HR--= 1,11) chez ceux déclarant avoir subi des violences dans leur enfance, et 21 % (HR = 1,21) chez ceux déclarant avoir subi des violences dans leur enfance et à l’âge adulte. Selon la publication, « les analyses d’interaction ont montré que les violences subies à l’âge adulte peuvent amplifier l’association entre violences subies dans l’enfance et maladies cardiovasculaires ».
Les conséquences des violences allaient au-delà de la seule maladie coronarienne. Par exemple, les participants ayant subi des violences dans leur enfance ainsi qu’à l’âge adulte étaient plus à risque de développer l’ensemble des 13 maladies cardiovasculaires étudiées –--à l’exception des AVC hémorragiques.
Pour un dépistage des violences en cardiologie
Le fait d’adopter un mode de vie sain semblait permettre de compenser au moins partiellement cet effet délétère des violences. Parmi les participants ayant subi des violences, ceux qui avaient adopté au moins quatre habitudes de vie saines (absence de tabagisme au cours de la vie, activité physique régulière, alimentation saine, sommeil de plus de 7 heures à 9 heures par nuit, activités sociales et divertissements, visite de proches plus d’une fois par mois) avaient un risque de maladie cardiovasculaire 25 à 36 % plus bas que ceux n’en ayant adopté aucune ou qu’une seule.
Au total, les auteurs estiment que la lutte contre les violences « devrait faire partie intégrante de la prévention et de la prise en charge des maladies cardiovasculaires ». Et, en cas d’exposition à des violences, « les modifications de mode de vie peuvent être considérées tout au long de la vie comme une stratégie (pertinente) ».
(1) Xia Zou, et al. Adversities in childhood and young adulthood and incident cardiovascular diseases: a prospective cohort study. eClinicalMedicine. 2024 Mar; 69: 102458.
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