La population psychiatrique est connue pour être touchée par un surrisque de décès toutes causes, mais aussi de cause cardiovasculaire. Les jeunes patients présenteraient un risque de mort subite d’origine cardiaque quatre fois supérieur aux autres individus du même âge. C’est en tout cas ce qu’a montré une étude de cohorte rétrospective danoise ayant inclus de jeunes patients hospitalisés en psychiatrie au début des années 2000 – citée dans un éditorial de la revue Heart (1).
Cependant, au-delà de cette classe d’âge, le fardeau exact associé aux maladies psychiatriques reste mal estimé. Ainsi, une équipe scandinave a voulu préciser plus largement, dans davantage de catégories d’âge, l’incidence des morts subites d’origine cardiaque à l’échelle nationale dans la population psychiatrique. L’étude, d’abord présentée en congrès à Berlin, a aussi été publiée fin octobre dans la revue Heart (2).
Jusqu’à six fois plus de morts subites d’origine cardiaque en psychiatrie
Dans ce cadre, les auteurs se sont penchés sur tous les décès survenus pendant l’année 2010 au Danemark, parmi les patients âgés de 18 à 90 ans suivis en psychiatrie. Tous les certificats de décès et rapports d’autopsie disponibles ont été pris en compte.
Résultat : sur les 4,3 millions de patients suivis en 2010 en psychiatrie au Danemark — soit 17 % de la population du pays —, plus de 45 700 décès ont été enregistrés. Et sur ces 45 700 décès, 6 002 relevaient d’une mort subite d’origine cardiaque. D’où un taux d’incidence de ces morts subites cardiaques jusqu’à 6,45 fois plus élevés en population psychiatrique qu’en population générale. Et toutes les classes d’âge semblent concernées.
Certains patients apparaissent toutefois plus à risque que d’autres, en fonction des troubles en présence. Si, comme le précise l’étude, « après ajustement sur l’âge, le sexe et les (autres) comorbidités, les troubles psychiatriques étaient associés de façon indépendante aux morts subites de cause cardiaque, avec un HR de 2,31 », ce chiffre s’avérait plus élevé encore chez les patients atteints de schizophrénie (HR = 4,51).
Si bien que les patients vivant avec une maladie psychiatrique présentent une espérance de vie raccourcie par rapport aux autres individus. Selon la publication, « l’espérance de vie pour un patient de 18 ans atteint de trouble psychiatrique est estimée être 10 ans plus courte que pour ceux ne présentant pas ce type de troubles ». Et les 18-40 ans voient 13 % d’années de vie perdues par rapport aux individus de la même classe d’âge exempts de maladie psychiatrique.
Dépister et prévenir les maladies cardiovasculaires en cas de vitiligo
Dans un tout autre domaine, de nouvelles données précisent le risque cardiovasculaire associé au vitiligo. Pour rappel, cette pathologie associée à une destruction de mélanocytes et atteignant 0,5 à 2 % de la population mondiale est connue pour être associée à de nombreuses comorbidités, qui pourraient indirectement augmenter la morbidité cardiovasculaire (psoriasis, syndrome métabolique et perturbations du profil lipidique, maladies thyroïdiennes, etc.). Cependant, la littérature disponible actuellement apparaît à la fois trop restreinte et trop contradictoire pour statuer sur le risque de maladie cardiovasculaire lié au vitiligo. Des cliniciens et chercheurs européens allemands, polonais et anglais ont voulu combler cette lacune.
Pour ce faire, l’équipe a recouru à la plateforme TriNetX, plateforme américaine compilant des données de santé de vie réelle issues « des dossiers médicaux électroniques provenant de 57 organisations de soins de santé » et concernant au total 96 millions de patients, précisent les auteurs dans une publication de eBioMedicine (3). Les cas de vitiligo ont été recherchés — et plus de 100 000 patients concernés ont été identifiés. Puis, le risque d’apparition de maladies cardiovasculaires 15 ans après le diagnostic a été calculé. Les données de plus de 7,3 millions de patients contrôles sans vitiligo ont aussi été étudiées.
Au total, une « élévation significative du risque de 54 maladies cardiovasculaires » se dégage selon la publication chez les patients atteints de vitiligo. De plus, les individus touchés par cette maladie dysimmunitaire manifestaient par rapport à la population générale un surrisque significatif d’évènements cardiovasculaires indésirables majeurs (Mace) et de thromboembolies : le risque d’infarctus cérébral était, dans l’étude, 21 % plus élevé (HR = 1,21) parmi les patients atteints de vitiligo que chez ceux non touchés par la maladie, celui thromboembolie veineuse 27 % plus élevé (HR = 1,27) , et celui de Mace 28 % (HR = 1,28) plus élevé.
De quoi inciter, soulignent les auteurs, à davantage dépister et prévenir les maladies cardiovasculaires chez les patients atteints de vitiligo.
(1) Aapo L Aro, Jarkko Karvonen, Sudden cardiac death in psychiatric patients: for whom the bell tolls? Editorial. Heart
(2) Jasmin Mujkanovic, Peder Emil Warming, Lars Vedel Kessing, et al. Nationwide burden of sudden cardiac death among patients with a psychiatric disorder. Heart. Published Online First: 22 Oct 2024
(3) Alicja Frączeka, Agnieszka Owczarczyk-Saczoneka, Ralf J. Ludwig, et al. Vitiligo is associated with an increased risk of cardiovascular diseases: a large-scale, propensity-matched, US-based retrospective study. eBioMedicine. Volume 109105423. November 2024
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