Depuis l'étude PLATO en 2009, en post-infarctus du myocarde (IDM) l'association ticagrélor-aspirine a remplacé la combinaison clopidogrel-aspirine, sauf contre-indication, dans les recommandations européennes comme américaines. L'étude PLATO avait en effet mis en évidence une réduction des décès cardiaques, IDM et AVC, ainsi qu'une réduction de la mortalité totale (-1,4 %) à 1 an. Aujourd'hui, une vaste étude suédoise vient rebattre les cartes. Après un IDM chez les patients de plus de 80 ans, elle montre qu'en vie réelle la bithérapie ticagrélor-aspirine, comparée à clopidogrel-aspirine, est associée certes à moins de récidives ischémiques (IDM : -20 % ; AVC : -20 %) mais à plus de saignements, conduisant à plus d'hospitalisations (+48 %) et surtout in fine à plus de décès (+ 17 % ; RR = 1,17 ; 1,08-1,02). Quand chez les moins de 80 ans, la bithérapie ticagrélor-aspirine est associée à moins d'IDM (-18 %), d'AVC (-18 %), plus de saignements (+32 %) avec in fine moins de décès (-15 %, RR = 0,85 ; 0,76–0,96). C'est pourquoi à l'avenir, il faut sûrement privilégier la bithérapie clopidogrel-aspirine chez les plus de 80 ans, même si ce résultat mériterait d'être confirmé dans une étude randomisée.
Plus de 14 000 patients de plus de 80 ans
Les données utilisées dans l'analyse sont issues du registre national suédois SWEDEHEART. Ont été inclus tous les sujets d'au moins 80 ans ayant fait un IDM depuis 2010 (date d'introduction du ticagrélor), vivants au sortir de l'hôpital, non prétraités par ticagrélor ou clopidogrel, ni sous héparine ni sous anticoagulant, sans antécédents de saignement et ayant une hémoglobine supérieure à 10 g/l.
Au total plus de 14 000 sujets ont été inclus. Ils ont 85 ans d'âge médian, 50 % sont des hommes et 5 % sont fumeurs. Parmi eux, 32 % ont fait un IDM ST +. La majorité a été mise sous clopidogrel (60 %) plutôt que sous ticagrélor (40 %), mais ce taux diminue avec les années et la prescription croissante de ticagrélor (0 % en 2010, 72 % en 2017).
Ces sujets ont de nombreux antécédents médicaux et comorbidités : IDM (20-30 %), insuffisance cardiaque (10-17 %), pontage (7-10 %), angioplastie (13 %), diabète (22 %), BPCO (8 %), insuffisance rénale (3-5 %), hypertension artérielle (70 %).
À leur sortie au bout de 4 à 5 jours d'hospitalisation, ils ont été mis sous bêtabloquants (87 %), antagoniste calcique (21 %), digitalique (0,5 %), inhibiteurs du système rénine angiotensine (75 %) et statine (77-90 %), en plus de la bithérapie.
Davantage de décès à un an
L'analyse après ajustement est sans appel. « Chez les plus de 80 ans, le ticagrélor est associé à un excès de décès à un an ; le bénéfice anti-ischémique étant largement annulé par le sur-risque hémorragique. Quand chez les moins de 80 ans on retrouve grosso modo les chiffres de PLATO. Ce qui n'est pas étonnant puisque dans PLATO les patients avaient 62 ans d'âge médian, commentent les auteurs. Ce résultat est d'importance en pratique clinique. Globalement, 35 % des sujets faisant un IDM ont en effet plus de 75 ans », soulignent-ils.
Adapter le traitement au risque hémorragique
« Les résultats de cette vaste étude concordent avec ceux d'études randomisées récentes mettant en évidence un excès de saignement avec le ticagrélor versus clopidogrel ou prasugrel (5 mg), sans bénéfice significatif sur le plan ischémique, commente l'éditorialiste (2). Plus globalement, en pratique clinique il est indispensable chez le sujet âgé de choisir précautionneusement l'antiplaquettaire en fonction de divers profils de risque. Une stratification du risque plus rigoureuse, basée sur des scores et la prise en compte de comorbidités et de l'état général impactant le risque thrombotique et/ou hémorragique, devrait conditionner le choix entre ticagrélor et clopidogrel ».
(1) K Szummer et al. Comparison Between Ticagrelor and Clopidogrel in Elderly Patients With an Acute Coronary Syndrome: Insights From the SWEDEHEART Registry. Circulation 2020; 142: 1700-08
(2) P Capranzano et DJ Angiolillo. Ticagrelor or Clopidogrel in Elderly Patients With Myocardial Infarction. When the Choice Makes the Difference. Circulation 2020;142:1709–12
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