LES PEPTIDES natriurétiques, BNP et NT-pro-BNP, sont des marqueurs diagnostiques bien reconnus d’insuffisance cardiaque. Ce sont également des marqueurs pronostiques indépendants de morbi-mortalité. Plus leur taux est élevé, plus le risque de décès par insuffisance cardiaque ou par mort subite est important. Une élévation significative (› 30%) du taux des peptides natriurétiques chez un insuffisant cardiaque chronique systolique est reconnue comme étant un facteur de mauvais pronostic.
À la phase aiguë de l’insuffisance cardiaque, les taux de BNP à l’admission et à la sortie de l’hospitalisation sont des marqueurs pronostiques importants. En effet, lorsque le taux de BNP de sortie est › 700 pg/ml, le risque de faire un événement majeur (décès ou réhospitalisation) dans les six mois est de 95 %, et de plus de 50 % à un mois (1). Leur taux apparaît donc comme un bon indicateur pour planifier le suivi du patient en ambulatoire. Cependant, il n’existe pas d’étude ayant montré l’intérêt pronostique d’un monitoring thérapeutique par le suivi du taux de peptides natriurétiques au cours de l’hospitalisation.
En revanche, l’intérêt des peptides natriurétiques dans le suivi thérapeutique de l’insuffisance cardiaque chronique a fait l’objet de plusieurs études récentes, dont l’ensemble des résultats est intéressant à analyser. Trois études prospectives, STARBRITE (2), BATTLESCARRED (3) et PRIMA, dont les résultats ont été présentés lors du dernier congrès de l’ACC à Orlando (4), ont inclus des patients à la sortie de l’hôpital et se sont fondées sur le taux de peptides natriurétiques au moment de celle-ci. Ces trois travaux ne sont pas parvenu à montrer de différence significative sur le critère principal (survie sans hospitalisation dans l’étude PRIMA), entre le suivi était guidé par la clinique ou par le BNP (ou le NT-pro-BNP). Ces résultats sont probablement dus à un problème de stratégie dans le choix du taux de BNP de référence, plutôt qu’à un échec lié aux peptides eux-mêmes.
Un avantage chez le patient optimisé.
En effet, il faut garder à l’esprit que dans la prise en charge thérapeutique de l’insuffisance cardiaque chronique, le suivi des recommandations européennes et internationales est primordial. Les peptides natriurétiques peuvent aider à optimiser et renforcer la prise en charge, chez des patients encore insuffisamment contrôlés malgré un traitement adapté aux recommandations.
C’est ce que montre un deuxième groupe d’études prospectives, dans lesquelles les patients inclus étaient déjà sous un traitement optimal. La première de ces études est l’étude pilote de Troughton, publiée en 2000, qui a montré, sur un petit nombre de patients, que le monitoring par dosage du BNP permettait une diminution significative de l’ensemble des événements cardio-vasculaires par rapport au groupe clinique (5). Ces données ont été confirmées dans l’étude STARS-BNP, qui a porté sur un plus grand nombre de patients et qui a été initiée par le groupe de travail sur l’insuffisance cardiaque de la Société française de cardiologie (6). Les 220 patients inclus étaient des malades déjà traités de façon optimisée, selon les recommandations de la Société européenne de cardiologie. Dans le groupe BNP, le dosage du peptide tous les trois mois avait pour objectif d’adapter le traitement, afin d’obtenir un taux < 100 pg/ml. Dans le groupe témoin, l’adaptation se faisait selon les données cliniques et échographiques uniquement. Cette étude a montré une réduction significative du critère primaire (hospitalisations et décès liés à l’insuffisance cardiaque) dans le groupe BNP, avec notamment une diminution de moitié du nombre d’hospitalisations au cours des 15 mois de suivi. Ces résultats s’expliquent par de plus nombreux changements thérapeutiques dans le groupe BNP, concernant aussi bien les diurétiques que les traitements de fond, en raison du rôle d’alarme que joue le taux de peptide.
Efficacité chez les patients les plus jeunes.
La particularité de l’étude TIME-CHF est de présenter les résultats en fonction de l’âge, en stratifiant les patients en deux groupes : 60 à 74 ans et 75 ans ou plus (7). Dans le groupe des patients les plus jeunes, l’intensification du traitement en fonction des valeurs du BNP a permis une amélioration des critères spécifiques de la maladie (survie, hospitalisation). En revanche, dans le groupe des patients les plus âgés, dont l’âge moyen était de 82 ans, aucun paramètre n’a été amélioré par le recours au BNP.
Comme le conclut le Pr Patrick Jourdain : « Il existe désormais plusieurs études multicentriques internationales concordantes permettant de dire que, chez le sujet insuffisant cardiaque chronique âgé de moins de 75 ans bien pris en charge, il existe un effet bénéfique du suivi s’appuyant sur les peptides natriurétiques, même si les seuils visés ne sont pas identiques dans les différentes études. » Ce suivi n’a cependant pas d’intérêt avant une bonne optimisation clinique du traitement, les peptides ne pouvant en aucun cas remplacer le suivi des recommandations.
D’après un entretien avec le Pr Patrick Jourdain, groupe hospitalier René Dubos, Pontoise.
(1) Logeart D, et al. J Am Coll Cardiol 2004;43(4):635-641.
(2) Shah MR, et al. Am Heart J. 2005;150(5):893-8.
(3) Lainchbury JG, et al. Eur J Heart Fail 2006;8(5):532-8..
(4) Eurlings L, et al. American College of Cardiology scientific sessions, 29 mars 2009.
(5) Troughton RW, et al. Lancet 2000;355(9210):1126-3.
(6) Jourdain P, et coll. J Am Coll Cardiol 2007;49(16):1733-9.
(7) Pfisterer M, et al. JAMA 2009;301(4):383-92.
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