« La part inflammatoire de l’athérosclérose est reconnue depuis longtemps et l’idée d’utiliser des molécules à visée anti-inflammatoire dans la maladie coronaire n’est pas nouvelle », rappelle le Pr François Roubille. Le concept a été validé par les résultats positifs de l’étude CANTOS, premier grand essai prospectif du genre, qui avait souligné les bénéfices cardiovasculaires du canakinumab, un anti-IL1, chez des patients coronariens stables. Le coût élevé du traitement et la survenue d’effets indésirables graves, à type de sepsis, ont conduit à ne pas poursuivre le développement de cet anticorps monoclonal en cardiologie.
C’est sur la base de ce même concept que des essais ont été menés avec la colchicine, vieux médicament doué d’effets pléiotropes sur l’inflammation, peu onéreux et dont le profil de tolérance est bien connu. La colchicine cible en particulier le polynucléaire, impliqué dans la déstabilisation de la plaque, et joue aussi un rôle, via son action régulatrice de l’IL-1, sur l’inflammasome NLRP3.
Après un infarctus du myocarde
Une première étude, COLCOT, a démontré les bénéfices de la colchicine à faible dose (0,5 mg/jour) sur une cohorte de plus de 4 700 patients randomisés dans les 30 jours suivant un infarctus du myocarde. Après un suivi moyen de 23 mois, le critère primaire (décès cardiovasculaires, arrêts cardiaques ressuscités, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux et réhospitalisations urgentes pour angor nécessitant une revascularisation) était réduit de 23 % comparativement au groupe placebo. Cette réduction était d’autant plus marquée que le traitement par colchicine avait été initié tôt, dans les trois jours après le syndrome coronaire aigu. La tolérance était globalement bonne, avec juste un signal sur un risque accru de pneumonies non graves.
Chez des patients stables
Puis, l’an dernier, l’étude LoDoCo2, menée sur une cohorte de plus de 5 500 patients ayant une maladie coronaire chronique, est venue compléter ces résultats. Au terme d’un suivi moyen de 28 mois, elle montre une réduction de 31 % du critère primaire, associant décès cardiovasculaires, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux ischémiques et revascularisation.
Au niveau de la tolérance, aucune différence notable, par rapport au placebo, n'était constatée concernant les hospitalisations pour infection ou pneumonie. Mais un risque accru de décès non cardiovasculaires était rapporté chez les patients ayant reçu la colchicine, sans explication évidente.
Une controverse
Fin 2020, la publication des résultats de l’étude COPS est venue alimenter le débat. Cet essai australien a inclus moins de 800 patients avec un syndrome coronaire aigu, suivis pendant 12 mois. Il a mis en évidence une réduction, non significative, de 35 % des événements du critère primaire combiné et un nombre plus élevé de décès non cardiovasculaires dans le groupe colchicine, comparativement au placebo (8 versus 1). « Des résultats qui sont à interpréter avec recul, compte tenu du faible nombre d’événements cardiovasculaires survenus au cours du suivi (62 contre 752 dans COLCOT et LoDoCo2) et a contrario du nombre élevé de perdus de vue », estime le Pr Roubille.
« Les recommandations de l’ESC n’ont pas pris en compte les données de COLCOT, ni de LoDoCo2. On attend désormais la position des sociétés savantes américaines, ACC et AHA », poursuit le Pr Roubille, signataire il y a quelques mois d’un éditorial analysant les résultats de ces trois études dans Circulation (1). La colchicine ne devrait pas avoir d’autorisation de mise sur le marché, faute de dépôt de dossier dans cette indication. Cependant, elle peut rendre des services pour réduire le risque résiduel chez certains patients, en particulier ceux ayant un profil micro-inflammatoire, des événements récidivants ou cumulant des facteurs de risque. D’autres études sont en cours, notamment pour évaluer l’impact de la colchicine sur la taille de l’infarctus ou en prévention secondaire des accidents vasculaires cérébraux.
D’après un entretien avec le Pr François Roubille, Montpellier.
(1) Circulation 2020 Nov 17;142(20):1901-4
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