En cas de sténose aortique, le remplacement de valve aortique par voie percutanée (Tavi) a globalement sa place et apparaît désormais préférable à la chirurgie, y compris chez les patients de plus de 75 ans. C’est ce qui a été acté dans les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) sur la prise en charge des valvulopathies, en 2021.
Cependant, la fragilité – syndrome gériatrique lié à un déclin physiologique conduisant à une réduction des réserves fonctionnelles et à une vulnérabilité accrue au stress – s’est avérée associée, dans diverses études, à un risque accru d’évènements indésirables après un Tavi. Par exemple, dans l’essai Partner, Green et al. trouvaient en 2015 une mortalité environ deux fois plus élevée chez les patients fragiles, par rapport aux non fragiles, un an après la procédure. Or, rappelle une note du Jama Cardiology (1), le risque de décès ou d’aggravation de l’état de santé à un an constitue un élément important de la prise de décision clinique.
Mais l’évaluation en bonne et due forme, quantitative, de la fragilité (avec par exemple mesure de l’albuminémie et de l’hémoglobinémie, mais aussi de la force de préhension ou utilisation de scores cognitifs validés), qui facilite la discussion entre cliniciens ainsi qu’avec les patients ou leurs familles, pourrait s’avérer peu adaptée à la pratique courante. Selon le Jama Cardiology, elle resterait insuffisamment réalisée en routine. D’où un besoin d’autres méthodes d’évaluation.
Ostéosarcopénie, détectable par CT-scan
Dans ce contexte, les auteurs du présent travail (2) se sont intéressés à la notion d’ostéosarcopénie – un syndrome émergent en gériatrie, caractérisé par une détérioration du muscle et de l’os liée à l’âge. Car celle-ci peut être aisément identifiée par tomodensitométrie (CT-scan).
À noter que des études se sont déjà penchées sur la sarcopénie seule (perte de masse et de force musculaire, facteur de fragilité), tant sur sa prévalence parmi les patients ayant reçu un Tavi que sur ses conséquences significatives sur le pronostic. Cependant, comme le suggère un auteur dans une interview du Jama Cardiology (3), la tomodensitométrie n’est pas toujours explicite pour dépister une éventuelle sarcopénie. Des faux positifs (par exemple, chez certains sportifs tels que des marathoniens, non sarcopéniques mais présentant une faible masse grasse), ou des faux négatifs (par exemple, chez des personnes âgées sarcopéniques obésès) sont possibles.
Au contraire, dans l’ostéosarcopénie, la tomodensitométrie apparaît plus pertinente. Ainsi, les chercheurs ont voulu préciser l’association entre présence d’une ostéosarcopénie mesurée par tomodentisométrie et risque de décès ou de handicap, un an après un Tavi. Pour ce faire une analyse post hoc de l’étude de cohorte multicentrique prospective Fraility-AVR a été conduite – l’étude concernait des patients de plus 70 ans pris en charge par Tavi entre 2012 et 2022. Les chercheurs se sont penchés sur les données de 605 patients (dont 45 % de femmes et de 82,6 ans d’âge médian) pour lesquels une tomodensitométrie avait été réalisée avant le Tavi, et à partir de laquelle la surface du muscle psoas (psoas muscle area, PMA) et la densité osseuse vertébrale (vertebral bone density, VBD) ont pu être évaluées.
Mortalité triplée à un an
Résultats : la mortalité à un an du Tavi était bien la plus élevée parmi les patients qui présentaient à la fois un faible PMA et une faible VBD, soit une ostéosarcopénie. En effet, à 12 mois de l’intervention, 32 % des patients concernés étaient décédés – contre 14 % des patients présentant uniquement une faible PMA, 11 % des patients présentant uniquement une faible VBD, et 9 % des patients présentant un statut musculaire et osseux normal.
Ainsi, selon l’étude, « l’ostéosarcopénie, mais pas une VBD ou une PMA basse seules, était associée de façon indépendante à la mortalité à un an (OR = 3,18) ». Les patients présentant à la fois une PMA basse et une VBD basse avaient par ailleurs plus de deux fois plus de risque que les autres (OR = 2,11) de voir un des limitations fonctionnelles s’aggraver à un an.
Au total, les auteurs semblent plaider pour un dépistage de l’ostéosarcopénie par tomodensitométrie chez les patients âgés avant un éventuel Tavi. Selon la publication, « cette méthode opportuniste d’évaluation de l’ostéosarcopénie permettrait d’améliorer la prédiction du risque, de soutenir la prise de décision et de déclencher des interventions de réhabilitation chez des adultes âgés ». L’idée ne serait pas de priver systématiquement tous les patients ostéosarcopéniques de Tavi, mais de pouvoir également proposer une prise en charge de cette ostéosarcopénie, suggère un auteur (3).
(1) Patrick T. O’Gara, etal. Osteosarcopenia and Mortality After Transcatheter Aortic Valve Replacement, JAMA Cardiol. Published online May 15, 2024
(2) Pablo Solla-Suarez, et al. Osteosarcopenia and Mortality in Older Adults Undergoing Transcatheter Aortic Valve Replacement. JAMA Cardiology. Published online May 15, 2024
(3) https://www.youtube.com/watch?v=28k_De84Kus&ab_channel=JAMANetwork
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