PAR LE Pr NATHALIE NATHAN* ET LE Dr PIERRE FONTANA**
L’ÉVALUATION du risque hémorragique constitue une des priorités de l’évaluation préanesthésique des patients afin de les informer tant sur les risques que sur la nécessité éventuelle d’une transfusion ou des techniques d’épargne sanguine. Cette évaluation est réalisée lors de la consultation d’anesthésie, obligation légale dans les jours précédents un acte chirurgical programmé. Pour évaluer ce risque, la pratique française actuelle est de prescrire très largement des bilans d’hémostase, en contradiction avec toutes les recommandations de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) et des sociétés savantes européennes et nord-américaines établies depuis de nombreuses années. Le dernier congrès de la SFAR a été l’occasion de rappeler que les tests d’hémostase standard (TP, TCA et numération plaquettaire) ont été mis au point dans les années soixante, afin de diagnostiquer les hémophilies. Progressivement l’objectif initial de ces tests analytiques, qui était de déterminer pourquoi le patient saigne, a été détourné pour savoir si le patient allait saigner. Pourtant de nombreuses publications démontrent que ces tests standard ne permettent pas de prédire le risque hémorragique, y compris pour des chirurgies hémorragiques comme une transplantation hépatique ou une chirurgie cardiaque. Leur sensibilité est au mieux de 98 % et leur spécificité de 78 à 98 %. Cela signifie que dans 2 % des cas, le diagnostic d’une pathologie à risque hémorragique ne sera pas fait et dans 2 à 28 % des cas le test portera à tort le diagnostic de risque hémorragique.
Et il y a de nombreuses raisons à cela. Tout d’abord ces tests ne donnent qu’un temps de coagulation et ne mesurent pas la force développée par le caillot. Effectués sur du plasma, ils ne mesurent pas le potentiel coagulant global du sang dans son environnement physiologique, car ils excluent les plaquettes et les globules rouges dont on connaît maintenant le rôle fondamental dans la génération du caillot. Ces tests peuvent être faussement allongés en présence de déficits à risque thrombotique et non hémorragique (déficit en facteur XII et antiprothrombinases, par exemple). Lors du prélèvement sanguin, le traumatisme vasculaire peut activer la coagulation, induire une consommation des facteurs de coagulation et conduire à un diagnostic erroné de déficit en facteurs. À l’inverse, le stress des patients augmente le taux de facteur Willebrand, pouvant masquer d’authentiques maladies de Willebrand modérées, à risque hémorragique lors d’interventions, en ORL par exemple. Ils peuvent être mis en défaut pour des déficits constitutionnels à risque hémorragique certain comme les déficits en facteur XIII (stabilisant de la fibrine) ou les thrombopathies. D’autres tests plus globaux d’évaluation du risque hémorragique, soit ont les mêmes limites que les tests standard de coagulation (PFA-100, par exemple), soit n’ont pas été évalués sur de grandes séries de patients pour déterminer leur pertinence clinique (cas du test de génération de thrombine).
Diagnostiquer les pathologies de l’hémostase.
À l’inverse, si les tests standards d’hémostase ne prédisent pas le risque hémorragique, ils sont capables de faire le diagnostic d’une pathologie de l’hémostase dépistée par une symptomatologie de saignement retrouvée lors de l’interrogatoire et l’examen clinique. Des interrogatoires standardisés existent et ont été validés pour évaluer le risque hémorragique en présence, par exemple, de ménorragies. Pratiquer les tests d’hémostase au vu d’un interrogatoire de saignement positif permet alors d’augmenter leur sensibilité et leur spécificité par comparaison aux tests d’hémostase systématique. Autre avantage, réduire les tests d’hémostase au strict nécessaire permettrait au système de santé de faire quelques millions d’euros d’économie.
*CHU de Limoges ; **Genève.
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